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Conférence UBH (Union Bijouterie Horlogerie), 28 septembre 2014


Fabien Foucault est intervenu lors du congrès de l’UBH relativement à sa compétence en droit douanier et droit fiscal lors de la table ronde intitulée « s’adapter à un environnement contraignant »

Conférence au barreau de Paris 8 novembre 2013


Lexbase Hebdo édition fiscale n °549 du 28 novembre 2013

Sensibiliser les clients face aux risques douaniers et aux enjeux de compétitivité liés à leurs opérations internationales — Compte rendu de la réunion de la Commission ouverte fiscal et douanier du barreau de Paris du 8 novembre 2013


Paris a accueilli deux avocats pratiquant au quotidien le droit douanier, si mal connu des fiscalistes et qui mériterait pourtant qu'on y prête plus attention. En effet, si aujourd'hui il n'est question que de la mondialisation, les pouvoirs régaliens des Etats n'ont pas disparu, et la perception de droits de douane ou taxes d'effet équivalent représente encore pour certains Etats une source substantielle de revenus budgétaires, et pour d'autres un des instruments de guerre économique dont la signature de multiples (en nombre et en forme) accords de libre-échange ne fait que traduire la réalité. Ainsi, franchir une frontière signifie entrer dans un autre monde juridique, et ce passage est notamment matérialisé par le traditionnel passage en douanes. N'importe quel bien, brut ou transformé, à forte ou faible valeur, n'entre pas impunément dans un Etat ou dans une région économique donnée. Les douanes sont l'un des acteurs majeurs et incontournables du commerce international. Or, ce monde est mal connu des fiscalistes, qui accompagnent les projets des entrepreneurs de façon à rentabiliser au maximum le déploiement de leurs efforts. La rencontre avec Bertrand Rager et Fabien Foucault a enthousiasmé l'auditoire présent à la bibliothèque de l'Ordre, qui a bu leurs paroles et en est sorti quelque peu étonné par la réalité du métier de leurs... confrères.

I — Aperçu des problématiques du droit douanier

Chaque intervenant a présenté son métier, son travail de tous les jours, et a ainsi fait ressortir les problématiques soulevées par le droit douanier, dont il est certain qu'elles influencent les choix économiques des entreprises plus -ou en tous cas d'une manière toute autre— que ne le fait le droit fiscal. Cette affirmation prend tout son sens lorsque l'on réalise que le droit douanier affecte la pratique de la plupart des services de l'entreprise qui font de facto des choix douaniers au quotidien... sans, malheureusement, souvent le savoir : sourcing, achats, fabrication, sécurité, comptabilité-finances, juridique, logistique, supply chain, sécurité, IT etc..

Bertrand Rager partage avec le public de la Commission ouverte son expérience en matière d'avocat conseil en ingénierie et droits douaniers. Il rappelle dans un premier temps les trois fondamentaux : tout d'abord, il convient de qualifier, au regard du droit douanier, le produit (lui attribuer son espèce tarifaire). Définir ensuite, son origine et enfin, déterminer sa "valeur en douane". Maître Rager présente ensuite, après nous avoir fait voyager dans le prisme des accords de libre-échange quelques procédures particulières (régimes économiques douaniers) et statuts particuliers propres à cette matière.

A — Le classement douanier de l'objet

Un objet va être commercialisé dans un autre pays. Quel objet ? Le droit douanier est ainsi fait qu'il classe les produits selon une nomenclature mondiale très précise : le système harmonisé (SH) de l'Organisation mondiale des Douanes (OMD). Les règles juridiques attachées à cette qualification vont nécessairement créer le besoin de recourir à un ingénieur, qui devra expliquer à l'avocat les composants du produit, et son utilisation. Par exemple, une pièce de colonne de direction de certains camions peut être utilisée dans des véhicules de combat et par des groupes militaires. Il est primordial de savoir qui est le destinataire et/ou l'utilisation finale du produit : sera-t-il utilisé à des fins civiles ou à des fins militaires ?

Une autre difficulté technique posée est la gestion des données de nature douanière dans les ERP (enterprise ressources planning -progiciels de gestion intégrés), comme SAP ou Oracle par exemple. Ces derniers ne sont pas toujours adaptés au droit douanier, à ses modalités déclaratives nationales et aux logiciels proposés localement par chaque administration douanière.

La qualification fait appel à deux sources du droit, en Union européenne : le Code des douanes communautaire (Règlement (CE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992, établissant le Code des douanes communautaire N° Lexbase : L6102AUK ; d'ici deux ans "Code de douanes de l'Union"), qui est l'un des plus anciens codes de l'Union, et les codes douaniers nationaux. A noter d'ailleurs que le droit douanier est aussi régi par des règles internationales, découlant notamment de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) et de l'OMD.

Les biens à double usage, comme la colonne de direction susmentionnée, obéissent à une autre réglementation communautaire dont le respect est vérifié par la douane notamment en termes de production des certifications et autorisations requis pour être exportés. Les licences ainsi distribuées entraînent des délais (d'une à plusieurs semaines), qui impactent tout processus de distribution internationale.

B — L'origine de l'objet

La deuxième question à se poser, une fois que le produit a été classé dans la nomenclature douanière, est celle de son origine.

L'Union européenne a une véritable politique en matière douanière. Elle souhaite aider les pays moins développés économiquement. Cette aide peut prendre deux formes : bilatérale ou unilatérale. Ainsi, un système de préférences généralisé 5SPG comportant trois niveaux a été mis en place : les pays faibles économiquement peuvent ainsi exporter leurs produits qui entrent alors dans le territoire douanier de l'Union sans payer de droits de douane. Pour ceux qui sont un peu plus forts économiquement, un système réciproque est mis en place. Des accords de libreéchange sont signés, permettant une franchise de taxe pour les importations et pour les exportations. Enfin, ces accords peuvent prévoir, en lieu et place d'une franchise totale, une franchise partielle, ou une franchise ciblée sur certains produits. Dans ce contexte, il est indispensable de connaître l'origine du produit. En effet, aujourd'hui, il est possible d'importer des pièces dans un pays et de construire une partie de ce produit sur place, puis l'envoyer dans un autre d'où il recevra d'autres pièces, fabriquées dans d'autres pays. Quelle est, in fine, l'origine -au sens douanier— de ce produit fini ? Ses composantes viennent du monde entier, il est monté dans un Etat, son "packaging" est effectué dans un autre, et enfin un dernier Etat sert de plateforme de distribution. Les accords de libre-échange prévoient la définition de l'origine du produit. Par exemple, le produit est considéré être d'origine marocaine si seulement 20 % de ses composants proviennent de pays tiers. Le pourcentage varie selon les Etats et les produits. En outre, d'autres critères peuvent s'ajouter, comme celui de la valeur ajoutée sur place, ou du transport direct (critère qui risque de ne pas être rempli lors de l'utilisation de "hub" ou plateforme logistique régionale).

C — La valeur de l'objet

La valeur est une notion bien connue des comptables et des fiscalistes, ainsi que des spécialistes du droit douanier, mais elle n'a pas la même définition selon le professionnel qui l'utilise. Les fiscalistes et les douaniers sont partagés sur cette notion, entre flirt et friction. Pour les fiscalistes, la valeur renvoie à la problématique des prix de transfert, qui occupe leur esprit pendant de longues heures. En matière de droits de douane, la valeur correspond au prix payé ou à payer des marchandises importées. La facture ne vaut pas valeur ; il faut prendre en compte tous les frais et toutes les recettes attachés au produit. La notion de valeur ajoutée est parfois utilisée dans les accords de libre-échange, et un pourcentage de cette valeur ajoutée doit provenir du pays auquel une préférence est accordée. La formule de la valeur ajoutée est la suivante : coût de production (avant marge) — valeur en douane.

Il faut aussi faire attention au concept de sociétés liées, qui n'est pas défini de la même manière en droit fiscal qu'en droit douanier. Pour ce dernier, le lien entre sociétés peut ressortir d'un contrôle, voire d'intérêts communs (le lien capitalistique joue aussi, bien sûr, mais la notion de lien est plus large qu'en fiscalité).

Un importateur ou un exportateur peut demander à recevoir une certification "OEA". Il s'agit d'une sorte de norme ISO douanier. Dérivé du programme SAFE de l'OMD, l'OEA européen connaît des "cousins" au Japon, aux Etats- Unis, au Canada, etc.. Elle peut faciliter les opérations douanières, car ces Etats ont conclu entre eux des accords de reconnaissance mutuelle de cette certification. Un autre statut douanier, celui d'exportateur agréé, peut être obligatoire pour bénéficier de certains accords de libre-échange, par exemple dans les échanges entre l'Union européenne et la Corée du Sud. En effet, seul ce statut permet la certification d'origine sur factures requise aux termes de l'accord.

D — Les procédures particulières du droit douanier

Concernant le classement et l'origine d'un produit, il est possible de demander à l'administration des douanes qu'elle émette un "renseignement tarifaire contraignant" (RTC) ou un "renseignement contraignant sur l'origine" (RCO). Ces documents, que l'on peut rapprocher du rescrit fiscal, sont opposables dans tous les Etats membres de l'Union européenne.

Les régimes économiques douaniers sont intéressants à connaître.

- Le régime du perfectionnement actif ou passif. Le produit entre ou sort de l'UE uniquement pour y recevoir un traitement intermédiaire. Dans ce cas, les droits de douane ne portent que sur la valeur ajoutée lors du retour du produit ouvré dans le pays de départ.

- Le régime de transit. Aucun droit de douane n'est perçu si le produit ne fait que passer par la France, mais qu'il ne s'agit pas de son pays de destination (pour transformation ou commercialisation).

— Le régime d'ouvraison sans douane. Des composants importés en France seront soumis à droits de douane plus élevés que le produit fini pour la fabrication duquel ils sont importés. En les plaçant sous ce régime, l'importateur va économiser le différentiel de droits de douane. — Le régime d'importation temporaire. Un salon, une foire, un évènement est organisé dans lequel le produit sera présenté. L'importation du produit pour démonstration ne fait pas l'objet de droits de douane.

— Les différents régimes d'entrepôt.

Pour terminer sa présentation, Bertrand Rager conseille aux avocats fiscalistes et à leurs clients de conserver les documents d'exportation et d'importation, car leur conservation peut avoir de gros impacts en matière de TVA. En effet, les exportateurs et importateurs font souvent appel à des commissionnaires en douanes, qui s'occupent des aspects douaniers d'une opération. Les factures que ces derniers délivrent ne permettent pas à elles seules de démontrer la sortie du territoire, condition de l'exonération de TVA à l'export ou, à l'import, une déduction de TVA.

II — Aperçu du contentieux douanier

Les avocats en général, les fiscalistes en particuliers, connaissent bien la dichotomie dont est frappé leur métier, classant d'un côté le "conseil" et de l'autre le "contentieux". Il en est de même en matière douanière. Maintenant que la partie conseil en douanes a été présentée, c'est au tour de Fabien Foucault de partager avec l'auditoire de la Commission ouverte son expérience en matière de contentieux douanier. La principale donnée à maîtriser en matière de contentieux douanier est la suivante : il s'agit d'une matière pénale.

A — Le contrôle douanier

Plusieurs administrations douanières peuvent intervenir en France, en plus de l'administration nationale : l'OLAF (Office européen de lutte anti-fraude), organisme de l'UE, qui peut contrôler le respect de la réglementation sur les droits anti-dumping (certains produits font l'objet d'une surtaxation douanière sur le territoire de l'Union). De plus, dans le cadre des accords préférentiels, les autorités douanières étrangères peuvent être autorisées à contrôler des entreprises françaises en France. En ce qui concerne notre administration des douanes, elle peut faire intervenir son service national ou local.

Les similitudes entre les contrôles fiscaux et les contrôles douaniers sont nombreuses. Néanmoins, deux points fondamentaux pour les fiscalistes sont omis par la procédure douanière : l'avertissement du contrôle avant que ce dernier n'ait lieu, et le débat oral et contradictoire.

Concernant le droit de communication comme cela est possible en matière fiscale, l'article 65 du Code des douanes (N° Lexbase : L5657H9E) permet notamment à l'administration d'avoir accès aux informations contenues sur un support numérique.

Au cours d'un contrôle douanier, l'administration rédige des procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux. Il s'agit de constats administratifs. Il est essentiel de vérifier le contenu de ces constats, et de mentionner sur le procès-verbal toute contestation de son contenu.

Les douanes ont le droit d'auditionner les personnes en présence lors d'un contrôle, mais ces dernières peuvent refuser de coopérer. En cas de flagrant délit d'infraction ou d'autorisation par le juge des libertés et de la détention, les douaniers peuvent procéder à des perquisitions.

La charte du contrôle douanier, disponible sur le site des douanes, prévoit que la personne contrôlée a droit à un conseil, mais cette charte n'a pas de valeur juridique.

A la fin du contrôle, l'administration remet au contribuable un avis de résultat d'enquête, auquel il est possible de répondre dans le délai d'un mois. Ce délai ne peut pas être prolongé sur simple demande, comme c'est le cas en matière de procédures fiscales. Passé ce délai, un procès-verbal de notification d'infraction est dressé, qui correspond à la réponse aux observations du contribuable, et qui précise notamment les sanctions pénales applicables. Le contribuable a dix jours pour payer les droits et taxes. Mais, selon l'intervenant, il ne doit surtout pas les payer ! En effet, il convient d'attendre la réception de l'avis de mise en recouvrement (AMR), qu'il est possible de contester pendant trois ans. Si les amendes sont payées avant, il n'est plus possible de contester l'AMR. Une fois l'AMR reçu, le contribuable peut demander un sursis à paiement, en constituant des garanties.

Contrairement à la procédure fiscale, il n'existe pas avant l'émission de l'AMR de recours au supérieur hiérarchique, ni à l'interlocuteur départemental, ni à une commission départementale. Après la notification de l'infraction, il existe bien une commission, qui peut être saisie, composée d'un magistrat et de deux assesseurs, mais elle ne rend qu'un avis oral à l'audience, suivi d'un avis écrit dans le délai d'un mois environ, qui ne lie pas l'administration, cette dernière n'éprouvant aucune difficulté à ne pas suivre cet avis.

En cas de contestation d'AMR, l'administration a six mois pour répondre. Ensuite, et si aucune solution n'est trouvée, le contribuable et les douanes vont devant le TGI. Attention, maître Foucault insiste sur le fait qu'en parallèle de cette procédure, peut se tenir une procédure pénale.

Il est important de noter que les douanes procèdent parfois à des contrôles avec d'autres administrations. C'est très rare que les douanes se couplent avec l'administration fiscale, mais c'est plus fréquent avec la DGCCRF (administration compétente en matière de concurrence). Il est nécessaire de vérifier que chaque administration n'outrepasse pas ses pouvoirs.

Concernant enfin les archives douanières, Fabien Foucault conseille de ne garder les documents prescrits par les règles douanières que pendant trois ans, car c'est le temps prévu par le Code des douanes communautaire, (sauf pour les documents utiles en matière de TVA).

B — La transaction

Les fiscalistes présents à cette commission ouverte, profanes en droit douanier, savaient toutefois une chose : les transactions se passent plus facilement avec l'administration des douanes qu'avec l'administration fiscale.

Fabien Foucault porte un frein aux velléités des fiscalistes : ne pas se lancer dans une procédure de transaction avec l'administration des douanes si on n'est pas un spécialiste de la matière. En effet, la transaction est une négociation, les montants sont personnalisés. Il n'y a pas de règles comme en droit fiscal : il n'y a pas de montant officiel ; tout est du cas par cas.

Si la transaction tourne mal et qu'elle se bloque, la personne redressée peut contester l'AMR devant le TGI, selon une procédure classique sans représentation obligatoire. Toutefois, il faut bien avoir à l'esprit que le droit douanier est une matière pénale. Toute erreur constitue une infraction, et la personne redressée doit rapporter la preuve de sa bonne foi.

Il faut bien comprendre que la teinture pénale du droit douanier en fait une matière très dure, difficile à maîtriser devant un tribunal, avec des montants colossaux (amende dont le montant est fixé à deux fois la valeur de la marchandise). C'est aussi pour cela que la transaction est une procédure tant utilisée et qu'elle aboutit à des résultats souvent satisfaisants.

Commentaire de l’arrêt Hart


Gazette du Palais, 17 juillet 1998, p.28
Fabrice GOGUEL


Cour de cassation (Ch. criminelle) 29 janvier 1998
Présidence de M. SCHUMACHER
DOUANES. — PROCES-VERBAUX. — EFFET INTERRUPTIF DE PRESCRIPTION. — EFFET QUANT A L'ACTION PUBLIQUE ET QUANT A L'ACTION FISCALE.

Sauf à priver de toute portée les dispositions des art. 369 4° et 377 bis C. douanes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697/79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l'administration des Douanes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions douanières mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits.
Cassation. Harth et autre

Pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris (9e Ch.) du 16 avril 1996. – Arrêt :

« La Cour. – Sur le moyen unique de cassation, présenté par l'administration des Douanes, pris de la violation des art. 336, 351, 354, 369 § 4, 377 bis douanes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697/79, 593 C. pr. pén., défaut de motifs et manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrite la demande en paiement formée par la demanderesse contre les prévenus et d'avoir limité à 30.709 francs la condamnation de Thierry Harth et de la société Harth pour les seules impor¬tations des ter août 1988 et 3 janvier 1989 ; aux motifs que la demande en paiement relève des dispositions combinées des art. 354 et s. C. douanes, 2 et s. du règlement CEE du 24 juillet 1979 et non de celles de l'art. 351 du même Code applicable à la seule action en répression des infractions douanières ; que l'action a été engagée plus de 3 ans après que les droits auraient dû être payés ; que les procès-verbaux des 17 novembre 1989 et 19 août 1991 n'ont pas interrompu la prescription ; que l'art. 355 C. douanes ne prévoit d'interversion de la prescription triennale pour devenir trentenaire que quand il y a, avant le terme, contrainte décernée et notifiée, demande en justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale à l'objet répété ; que l'Administration ne peut se prévaloir des dispositions de l'art. 355, alinéa 2, ou de celles de l'art. 3 du règlement CEE car aucun acte passible de poursuite pénale n'a été commis; qu'il n'existe aucune cause ou acte interruptif de prescription ; que la saisine de la Commission de conciliation et d'expertise douanière n'a pu suspendre le cours de la prescription de la demande à l'égard des sociétés Sagatrans et Daher qui M'étaient pas partie à la procédure devant la Commission de conciliation et d'expertise douanière
alors que l'art. 3 du règlement CEE n° 1697/79 relatif au recouvrement a posteriori des droits de douane dispose que le délai de prescription triennale institué par l'art. 2 n'est pas applicable lorsque les autorités compétentes constatent que c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives qu'elles n'ont pas été en mesure de déterminer le montant des droits dus ; qu'en l'espèce, les prévenus ont été poursuivis du chef de fausses déclarations d'espèce et il résulte de l'arrêt partiellement censuré par la Cour de cassation qu'il y avait bien eu fausse déclaration d'espèce, les marchandises ayant été déclarées sous la position 97-03 au lieu de 70-13; qu'en estimant, dès lors, l'art. 3 susvisé inapplicable, aux motifs erronés qu'il a été définitivement jugé qu'aucun acte passible de poursuite pénale n'avait été commis, la Cour d'appel a violé ce texte et l'art. 593 C. pr. pén. ; alors que, ainsi que l'avait fait valoir la demanderesse, l'art. 377 bis C. douanes, en liant la compé¬tence des Tribunaux pour ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues à l'application de l'art. 369 relatif aux circonstances atténuantes, soumet par là même la demande en prescription des droits à la prescription de l'art. 351 dudit Code ; qu'en déclarant ce texte inapplicable, la Cour d'appel a violé les art. 351, 369 et 377 C. douanes ; alors que, même en admettant, comme l'avait précisé la demanderesse, que la demande en paiement relèverait de l'art. 354 C. doua¬nes, la prescription aurait été interrompue par les procès-verbaux des 17 novembre 1989 et 19 août 1991 ; qu'en estimant le contraire aux motifs erronés et inopérants que l'art. 355 ne prévoit "d'interversion de la prescription triennale pour devenir trentenaire que quand il y a, avant le terme, contrainte décernée et notifiée, demande formée en justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale à l'ob¬jet répété", la Cour d'appel a violé les art. 336 et 354 C. douanes", Vu lesdits articles, ensemble l'art. 10 C. pr. pén :
Attendu que tout acte de poursuite et d'instruction interrompt, à l'égard de tous les participants à l'infraction, la prescription des actions tant publique que civile ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Harth a importé des Etats-Unis, les 17 juillet 1987, 6 et 7 janvier 1988, 1er août 1988 et 3 janvier 1989, des vases et des presse-papiers en verre ; que ces objets ont été déclarés, par des commissionnaires en douane, comme productions originales de l'art statuaire, sous la position tarifaire 97-03 ; qu'après avoir effectué, postérieurement aux opérations de dédouanement, la vérification de ces marchandises, l'administration des Douanes a estimé qu'elles auraient dû être déclarées comme objets en verre pour l'ornementation des appartements, sous la position tarifaire 70-13 et a notifié, en conséquence, à l'importateur et aux commissionnaires en douane, par procès-verbaux des 17 novembre 1989 et 19 août 1991, des infractions de fausses déclarations d'espèce ayant eu pour but ou pour effet de compromettre des droits et taxes à l'importation ; que la Commission de conciliation et d'expertise douanière, consultée pour avis par la société Harth, a estimé que seuls les presse-papiers relèvent de la position tarifaire 70-13;
Attendu que, dans les poursuites exercées par l'administration des Douanes, la Cour d'appel, par arrêt du 25 mars 1994, a reconnu la bonne foi de Thierry Harth et de la société Harth, ainsi que des six autres prévenus, a prononcé leur relaxe et débouté l'Administration de ses demandes en paiement des droits compromis ; que, sur le pourvoi de cette Administration, la Chambre criminelle, par arrêt du 20 mars 1995, a cassé l'arrêt susvisé en ses seules dispositions concernant le paiement des droits éludés ;
Attendu que, pour dire l'action engagée par l'Administration sur le fondement de l'art. 377 bis C. douanes et tendant au paiement des sommes fraudées, totalement prescrite en ce qu'elle visait les commissionnaires en douane, la Cour de renvoi, après avoir relevé que les droits et taxes à l'importation auraient dû être légalement acquittés à chaque opération de dédouanement, les 17 juillet 1987, 6, 7 janvier et 1°` août 1988 et 3 janvier 1989, énonce que, faute d'être intervenue dans les trois ans de leurs faits générateurs et faute de pouvoir invoquer une des deux exceptions prévues par l'art. 355 du Code précité, en raison de la relaxe prononcée et de l'absence d'actes interruptifs, cette demande se heurte à la prescription visée à l'art. 354 du même Code ; qu'elle ajoute, pour dire que l'action dirigée contre la société importatrice n'était qu'en partie prescrite, que la consultation de la Commission de conciliation et d'expertise douanière avait eu pour effet, en vertu de l'art. 350 C. douanes, de suspendre le cours de la prescription visée à l'art. 354 précité ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les dispositions de l'art. 355 C. douanes relatives à l'interversion des prescriptions triennales en prescriptions trentenaires et non à leur interruption, étaient inapplicables au cas d'espèce, la Cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principe ci-dessus rappelés ; qu'en effet, sauf à priver de toute portée les dispositions des art. 369, 4° et 377 bis du Code des doua¬nes, 2 et 3 du règlement CEE n° 1697/79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l'administration des Doua¬nes, en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions douanières mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement de ces droits ; d'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de cassation proposés pour Thierry Harth et la société Harth, - Casse, annule et renvoie devant la Cour d'appel de Paris.

MM. CHALLE, rapp. ; GERONIMI, av. gén. - S.C.P. BORÉ et XAVIER, Me BALAT et S.C.P. PIWNICA et MOLINIE, av. »

NOTE. - Cette décision s'inscrit dans les incertitudes qui découlent encore, après plus de dix ans, du bouleversement qu'a été dans le droit douanier la possibilité donnée au juge de prendre en compte l'élément intentionnel. Son analyse nécessite un bref rappel historique.

Jusqu'à la loi du 8 juillet 1987, le 2 de l'article 369 du Code des douanes faisait défense au juge de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention. L'abrogation de ce texte a permis aux tribunaux de prendre en compte l'élément intentionnel et de relaxer les prévenus de bonne foi, bien que la Cour de cassation en ait donné une interprétation restrictive qui, contrairement au droit commun, fait toujours supporter au prévenu d'une infraction de douane la preuve de son absence d'intention frauduleuse (1). Cette restriction n'a que des conséquences pratiques limitées mais elle est importante sur le plan théorique car elle témoigne de ce que, pour la Cour de cassation, le droit douanier reste avant tout un droit répressif, « exorbitant du droit commun » selon la formule consacrée. La présente décision paraît confirmer cette volonté.

La possibilité donnée au juge de relaxer pour cause de bonne foi a posé un problème difficile à la douane en matière de recouvrement des droits. Le contrevenant ainsi relaxé se trouvait de ce fait dispensé du paiement des droits éludés, même si l'élément matériel de l'infraction, c'est-à-dire le manquement proprement dit, était bien constitué (2). La loi du 30 décembre 1991 en instituant l'article 377 bis 2 du Code des douanes a donné au juge répressif compétence pour prononcer condamnation du redevable au paiement des droits compromis même lorsque sa bonne foi conduisait à une décision de relaxe.

La question s'est posée aussitôt de la nature de cette disposition nouvelle. Si elle avait institué une nouvelle sanction pénale, la loi nouvelle n'aurait été applicable qu'aux faits postérieurs à son entrée en vigueur.

Précisément, la présente affaire concernait des faits antérieurs à 1991. La bonne foi des prévenus ne faisait pas de doute. La Cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 25 mars 1994 les a donc relaxés, refusant de faire application immédiate du nouvel article 377 bis 2 qui aurait permis de les condamner au paiement des droits éludés. La Cour de cassation dans un premier arrêt du 20 mars 1995 a préféré une analyse qui conduisait à mettre immédiatement en oeuvre la disposition nouvelle (3). Elle a cassé la décision de Versailles, décidant que l'article 377 bis 2 nouveau "portant sur la compétence", était applicable aux instances en cours.

Le principe de ce texte est donc le même que celui qui permet au juge pénal, en matière d'homicide ou de blessures involontaires (4), d'accorder réparation aux victimes sur la base des règles du Code civil, alors même qu'une relaxe est prononcée sur le plan pénal. Bien que prononcée par le juge répressif, la nature de la condamnation n'en reste pas moins de nature civile.

II a fallu alors se demander si la douane, en obtenant l'application immédiate de ce nouveau texte au bénéfice de son analyse comme une disposition civile, n'avait pas remporté une victoire à la Pyrrhus.

Le caractère répressif du droit douanier vaut en effet à cette Administration un privilège essentiel sur le plan de la prescription. Tous les procès-verbaux que dressent ses enquêteurs, dès lors qu'ils ont le caractère d'actes de poursuites, interrompent la prescription. Mais ce principe ne résulte que des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale (5). Dès lors que, faute de mauvaise foi, la juridiction répressive ne faisait que prononcer une condamnation de nature civile, il semblait inévitable d'en tirer les conséquences en matière d'interruption de la prescription. C'est ce qu'a fait en l'espèce la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 16 avril 1996. Elle a appliqué strictement la prescription de l'article 454 du Code des douanes, constatant que les procès-verbaux dont se prévalait l'administration ne figurait pas dans la liste, prévue à l'article 455, des événements sus¬ceptibles de l'interrompre et de la remplacer par la prescription trentenaire.

C'est cette décision, qui semblait pourtant tirer les conséquences logiques de son précédent arrêt du 20 mars 1995, rendu dans la même affaire, que la Cour de cassation a censuré le 29 janvier 1998.

Le moyen unique de la Douane comportait trois branches.

La première branche se fondait sur l'article 3 du règlement CEE n°1697/79 qui dispose que la prescription triennale n'est pas applicable "lorsque les autorités compétentes constatent que c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives qu'elles n'ont pas été en mesure de déterminer le montant des droits dus". C'était prétendre, en contradiction avec la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation (6), que même lorsque la bonne foi du contrevenant avait précisément pour effet d'interdire des poursuites judiciaires répressives, la seule existence de l'élément matériel d'une infraction suffisait à écarter la prescription triennale. Comme l'observaient les défendeurs au pourvoi, dès lors que tout manquement aux règles douanières est susceptible de constituer l'élément matériel d'une infraction, cela revenait à dire que la prescription triennale n'aurait jamais été applicable.

La seconde branche tirait subtilement argument de ce que l'article 369 du code des douanes au paragraphe 4 duquel renvoie l'article 377 bis 2, n'est plus aujourd'hui relatif qu'aux circonstances atténuantes, ce qui s'analyserait comme une référence aux règles de la procédure pénale, et à la prescription correspondante, en application de l'article 351 du Code des douanes. C'était oublier que ce texte avait été antérieurement relatif à l'interdiction de relaxer pour défaut d'intention, et, surtout, revenir à une conception pénale et non civile de la condamnation au paiement des droits.

Et la troisième branche affirmait comme un principe que la prescription avait pu être interrompue par les procès-verbaux.

II est difficile de déterminer lequel de ces moyens a entraîné la conviction de la Cour de cassation qui s'est bornée à affirmer que "sauf à priver de toute portée" les textes, les procès-verbaux "en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l'égard de l'action en répression des infractions douanières mais encore à l'égard de celle tendant au recouvrement des droits".

On peut se demander si la Cour a voulu dire que tous les procès-verbaux de douane interrompraient la prescription, même pour le seul recouvrement des droits, ou si elle n'a conféré ce caractère qu'à certains d'entre eux, à savoir ceux qui "visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer".

La première hypothèse nous paraît peu probable.

Les articles 7 et 8 du Code de procédure pénale sont la seule base juridique permettant de conférer un caractère interruptif à tous les procès-verbaux. La Cour s'est bien gardée de citer ces textes, puisqu'elle a constaté la nature civile d'une condamnation au paiement de droits. Sur le plan du droit communautaire, sauf dans le cas d' "actes passibles de poursuites judiciaires répressives", l'article 3 du règlement n° 1697/79 (7) édicte une prescription de trois ans qui ne peut être interrompue que par "la notification du montant des droits" au débiteur. Une contradiction avec cette règle dans le sens d'une plus grande sévérité pour les opé¬rateurs serait d'autant plus paradoxale que les droits de douane ne sont recouvrés que pour le compte du budget communautaire.

Une différence dans le régime de la prescription du paiement des droits selon que l'Administration aurait saisi les juridictions civiles, qui ne peuvent bien entendu pas tirer les conséquences de procès-verbaux de douane, ou les tribunaux répressifs serait une incitation donnée à la douane à porter systématiquement les affaires devant les tribunaux répressifs, le plus souvent correctionnels, faisant ainsi subir au prévenu, même si sa bonne foi ne fait aucun doute, le caractère infamant de telles poursuites, et l'angoisse du risque théorique des énormes pénalités douanières.

La Cour de cassation ne peut ignorer que, souvent, les procès-verbaux ne relèvent que de recherches très générales. Non seulement, ils sont encore loin de constater une dette douanière, mais ils peuvent n'être que le début d'une enquête globale dont on ignore encore sur quelles opérations exactes elle portera. Ils sont alors très loin d'être des réclamations ou des demandes en paiement qui pourraient logiquement interrompre la prescription.

Tout porte donc à penser que par la formule "en ce qu'ils visent à la fois à établir l'existence d'une infraction et à asseoir l'assiette des droits à recouvrer", la Cour a entendu fixer les conditions que doivent remplir les procès-verbaux pour avoir un caractère interruptif de prescription au regard du paiement des droits.

Même selon cette analyse, nous devons avouer que cette décision nous laisse perplexe.

Sur le plan pratique, les critères proposés par la Cour posent plus de questions qu'ils n'en résolvent: à partir de quelle degré de précision les procès-verbaux seront-ils considérés comme satisfaisant à ces conditions ? Sur le plan juridique, pourquoi n'avoir pas simplement fait application du droit communautaire en constatant que, sauf cas de mauvaise foi relevant d'une sanction pénale, seuls, les pro¬cès-verbaux qui contiennent "communication du montant des droits" au redevable interrompent la prescription de trois ans ?

II est sûrement difficile de trouver un juste équilibre entre l'intérêt de la répression, et l'exigence de sécurité juridique des opérateurs économiques qui peuvent, en droit douanier plus qu'en toute autre matière, commettre en toute bonne foi des erreurs techniques indécelables pour eux, notam¬ment quand elles dépendent du comportement de leurs fournisseurs étrangers.

En maintenant une conception purement répressive du droit douanier, la Cour de cassation contribuerait à inciter les opérateurs à localiser leurs importations dans les pays du nord de l'Europe, réputés à tort ou à raison pour la plus grande souplesse de leurs autorités douanières. II est sou¬haitable qu'elle tire à l'avenir toutes les conséquences de la distinction qu'elle a elle-même initiée entre le droit douanier répressif, qui s'applique aux fraudeurs, et le droit douanier de nature civile qui, s'appliquant aux opérateurs de bonne foi, ne devrait plus présenter qu'un caractère indemnitaire. Il reste à souhaiter que les Cours d'appel lui donnent l'occasion de préciser une jurisprudence qui nous semble avoir peu de chance de subsister dans la forme que lui donne le présent arrêt.

(1) Cass. crim. Dambreville, 7 décembre 1987, Gaz. Pal. 10 au 12 juillet 1988, page 13.
(2) Cass. crim. Roehrich, 14 mai 1990, Gaz. Pal. 1991, somm. p. 20 / n° 57, p. 13 (26 février 1991) – Bull. crim. 1990 n° 186
(3) Cass. crim. Harth et autres, 20 mars 1995, Gaz. Pal. 1995.2, somm. p. 432 / n° 269, p. 9 (26 septembre 1995) – Bull. crim. n° 113 p. 327
(4) Loi du 8 juillet 1983, Gaz. Pal. 1983.2, Bull. lég. p. 513 (art. 470-1 C. pr. pén.)
(5) Cass. crim. 21 mars 1994, Gaz. Pal. 1994.1, somm; p. 314 / n° 174, p. 10 (23 juin 1994) n° K 93-82.974, Marchese
(6) Cass. com. 1er février 1994, Comptoir Fce Orient, Gaz. Pal. 1995.1, panor. p. 2 / n° 26, p. 9 (26 janvier 1995) – Dalloz 94, IR, p. 78
(7) Aujourd'hui article 221.3 du Règlement (CEE) n° 2913/92 éta¬blissant le Code des douanes communautaire

La prescription et le droit douanier


Gazette du Palais, 12 décembre 1999, p.14
Fabien FOUCAULT


1. COUR D’APPEL DE VERSAILLES, 1ère Chambre, 2ème section, 11 juin 1999, ELF ATOCHEM

« Considérant en ce qui concerne la prescription de l’action, invoquée par la société ELF ATOCHEM, sur le fondement de l’article 354 du code des douanes, qu’il est d’abord constant que les déclarations d’importation IM 5 sont datées des 12 et 27 avril 1990 et 20 octobre 1991 ; que par ailleurs, en vertu de l’article 355 de ce même code : « les prescriptions visées par les articles 352, 353 et 354 n’ont pas lieu et deviennent trentenaires quand il y a, avant les termes prévus, contrainte décernée et notifiée, demande formée en Justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale de relative à l'objet qui est répété » ;

Considérant que l'article 2 du règlement C.E.E n°1697179 du 24 juillet 1979, ajoute que l'action en recouvrement des droits non perçus exercée par l'administration des Douanes ne peut plus être engagée après l'expiration d'un délai de trois ans après la date de la naissance de la dette douanière ; qu'il est constant, dans le présent litige, que ce n'est que, par procès-verbal en date du 20 janvier 1995 -soit donc plus de trois années après le dépôt des déclarations I.M.5 litigieuses- que, pour la première fois, l'administration des Douanes a communiqué le montant des droits qu'elle réclamait à la SA ELF-ATOCHEM et qu'elle lui a expressément notifié une infraction à la réglementation douanière ; que, par ailleurs, il est constant que, durant cette période de trois années, n'est intervenu aucun des actes interruptifs de cette prescription des articles 352, 353 et 354 du Code des Douanes, et que, notamment, il n'y a eu aucune contrainte notifiée, ni aucune demande formée en justice, ni aucune condamnation ; qu'enfin, il est souligné qu'aucun acte frauduleux n'a jamais été invoqué contre la SA ELF-ATOCHEM, et que, jamais, l'appelante n'a agi devant une juridiction pénale au sujet de ces faits litigieux ;

Considérant que vainement l'Administration des Douanes invoque la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de CASSATION (arrêt HART, du 29 janvier 1998), lequel arrêt vise expressément l'article 10 du Code de procédure pénale et parle de participants à l'infraction, ainsi que de procès-verbal des douanes notifiant des infractions de fausses déclarations d'espèces et de poursuites pénales exercées par cette administration eu égard à des sommes fraudées, alors que, dans la présente espèce soumise au tribunal d'instance, les procès-verbaux des Douanes de 1993 ne tendaient pas à établir l'existence d'une infraction pénale, étant à nouveau souligné qu'il n'y a jamais eu de saisine d'une juridiction répressive, ni de condamnation, ni l'allégation d'actes frauduleux (article 355-2) à la charge de la Société ELF-ATOCHEM, que ces constats des Douanes, en 1993, ne représentent donc pas, en l'espèce, des actes de poursuite et d'instruction, susceptibles d'interrompre la prescription par trois ans, ci-dessus rappelée, ou plus exactement d'intervertir la prescription triennale en une prescription trentenaire ;

Considérant que l'appelante est donc déboutée de tous ses moyens et que le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a, à bon droit, déclaré prescrites les demandes de cette administration »

2. TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DU HAVRE, Chambre Correctionnelle, 14 juin 1999, BAUER, SAUPIQUET et autres

« Il résulte effectivement des dispositions de l'article 377 du Code des Douanes que la juridiction répressive reste compétente, même en cas de relaxe, pour se prononcer sur l'action civile en paiement des droits.

Il est incontestable qu'en application des dispositions de l'article 355 du Code des Douanes, cette action obéit à une prescription triennale ; en l'espèce les importations ayant eu lieu les 21 janvier et 10 février 1992, cette action était prescrite le 10 février 1995 sauf à démontrer l'existence d’un acte interruptif de prescription.

Pour retenir qu'un acte peut être interruptif de prescription tant sur le plan de l'action pénale que sur le plan civil, il convient de vérifier s'il constitue à la fois un acte de poursuite ou d'instruction et une demande en paiement ; en l'espèce, si le premier procès-verbal établi le 15 septembre 1994 constitue bien un acte de poursuite ou d'instruction interruptif de l'action répressive, il ne contient aucune indication sur le montant des sommes réclamées permettant de lui attribuer un caractère interruptif de l'action civile ; le premier procès-verbal mentionnant le montant des droits réclamés date du 19 juillet 1995, date à laquelle la prescription triennale, en matière civile, était déjà acquise. »

NOTE : Dans un arrêt HART, la Cour de cassation (Cass. Crim. HART 29 janvier 1998, Gaz. Pal. 17 juillet 1998, n°198 page 28 note GOGUEL) a jugé : « Sauf à priver de toute portée les dispositions des articles 369, 4° et 377 bis du Code des douanes, 2 et 3 du règlement CEE n°1697/79 du Conseil du 24 juillet 1979, permettant le recouvrement a posteriori des droits dus, les procès-verbaux établis par l’Administration des douanes, en ce qu’ils visent à la fois à établir l’existence d’une infraction et à asseoir l’assiette des droits à recouvrer, ont un effet interruptif non seulement à l’égard de l’action en répression des infractions douanières mais encore à l’égard de celle tendant au recouvrement de ces droits ».

Cette décision engendrait deux interprétations : sont interruptifs de prescription des actions pénale et en recouvrement des droits, soit tous les procès-verbaux de douanes, soit uniquement ceux qui visent à la fois à établir l’existence d’une infraction et à asseoir l’assiette des droits à recouvrer ».

L’application concrète par les juges du fonds des articles 352, 353 et 354 c. des douanes était très attendu.

Dans les deux décisions ci-dessus citées, les juridictions ont retenu la seconde interprétation, la plus prudente qui avait été très justement proposée par Maître GOGUEL dans son commentaire de l’arrêt Hart.

La Cour d’appel de Versailles a rejeté l’application de la décision Hart dans une affaire portée devant le juge civil, en retenant que les procès-verbaux ne font pas partie des actes interruptifs de prescription de l’action civile mentionnés dans les articles 352 à 355 du Code des douanes et que seul le procès-verbal de notification d’infraction peut être considéré comme la communication des droits devant être effectuée dans le délai de trois ans conformément à l’article 2 du règlement CEE n°1697/79 (remplacé par l’article 221 du Code des Douanes Communautaire).

En matière répressive, la Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance du Havre, après avoir relaxé les prévenus, a eu à juger du caractère interruptif de prescription de l’action en recouvrement des droits des procès-verbaux en application de l’article 377 bis du code des douanes. Elle se retrouvait donc directement confrontée à l’arrêt Hart. Comme l’avait proposé Maître GOGUEL dans son commentaire, le Tribunal du Havre a interprété strictement la décision Hart et a jugé que seuls les procès-verbaux constituant une demande de paiement pouvaient interrompre la prescription de l’action en recouvrement des droits.

Les juges ont justement interprété la décision Hart dans un sens conforme à la réglementation.

En effet, si l’action en paiement des droits n’a pas (lorsque l’action de l’administration des douanes est intentée devant les instances civiles) ou n’a plus (lorsque l’action est intentée devant les juridictions répressives mais que le juge relaxe le prévenu et qu’il doit statuer sur l’action en recouvrement des droits) aucune relation avec l’action pénale en répression d’une infraction douanière, elle est alors une action civile autonome (Cass. Crim. 20 mars 1995, Harth et autres : Bull. Crim. N°113, p.327) qui ne saurait être assimilée à l’action civile exercée accessoirement à l’action publique, puisqu’elle peut prospérer en dépit de la relaxe du prévenu sur l’action publique ou l’action fiscale.

Les droits de douane, dont l’administration des douanes française est chargée de recouvrer le paiement, sont une ressource propre de l’Union Européenne. Seules les dispositions communautaires applicables au recouvrement de la dette douanière, et notamment les règles de prescription sont donc applicables.

Aux termes de l’article 221 du Code des Douanes Communautaire (qui reprend en termes similaires les articles 2 et 3 du règlement (CEE) n°1697/79 du Conseil qui était en application jusqu’au 1er janvier 1994) : « 1. le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte »


« 3. la communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de 3 ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c’est par suite d’un acte passible de poursuites judiciaires répressives, que les autorités douanières n’ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, la dite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l’expiration du dit délai de 3 ans. »

Ainsi, en droit communautaire, seuls les procès-verbaux communiquant au « débiteur » le « montant des droits » peuvent être considérés comme interruptifs de prescription de l’action en recouvrement des droits. Dans la pratique, seuls les procès-verbaux dits « de notification » peuvent donc être considérés comme réalisant cette communication.

La relaxe des prévenus d’une infraction douanière (pour absence d’élément matériel ou bonne foi) et l’action intentée devant les juridictions civiles excluent tout « acte passible de poursuites judiciaires répressives » comme l’a jugé la Cour de cassation (Cass. Com. 1er février 1994, Comptoir France Orient : Dalloz 94, IR, p.78) et exclut donc tout renvoi aux dispositions répressives en vigueur dans les Etats membres.

Juger autrement et appliquer simultanément des actes interruptifs tirés du droit communautaire et du droit national reviendrait à violer le droit communautaire en retenant des actes interruptifs qu’il n’a pas envisagés, alors qu’il ne prévoit en l’occurrence aucun renvoi aux droits internes.

Les règles de la prescription visent à établir un équilibre entre les nécessités du recouvrement des droits, et la sécurité juridique des opérateurs dont la situation ne doit pas pouvoir être remise en cause a posteriori sans limites précises.

En faisant une juste application de la réglementation, les juges du fonds retrouvent cet équilibre qui semblait avoir disparu dans l’arrêt Hart. La Cour de cassation devrait avoir bientôt la possibilité de préciser sa position, gageons qu’elle sera celle du droit et non celle du budget.

Welcome To The European Union


Be alert to new customs regulations
Published in JBA Magazine (December 2001)


In an attempt to generate income and control the comings and goings of firms intent on doing business internationally, European Union-member countries have adopted customs regulations regarding business aircraft operations. Some operators have been hit with huge fines and some have even seen their aircraft seized. Knowledge of the potential pitfalls, and expert assistance, are keys to navigating the potentially hostile customs terrain.

Hopefully, you will never have to call your CEO from an EU-member country to report that the corporate aircraft and all aircraft documentation have been seized.

Bienvenue à l'Union Européenne : Votre aéronef a été saisi par les Douanes Françaises ! Welcome to the European Union : Your Aircraft is Hereby Seized by Customs !

You should hope you're never greeted with those words when arriving in a European country. The global economy dictates that many U.S. and multinational companies with U. S.-registered aircraft fly to destinations within the European Union. But for some operators who are unaware of specific European customs rides, the international business opportunities that a corporate aircraft helps make possible could come at a price ranging from stiff monetary penalties to seizure of the aircraft. The key to avoiding such expensive aircraft-related problems is to be informed before you go.
First, a Little background The European Union (EU) is comprised of 15 independent states founded to enhance political, economic and social cooperation. The member states include Austria, Belgium, Denmark, Finland, France, Germany, Greece, Ireland, Italy, Portugal, Spain, Sweden, and the United Kingdom. Not surprisingly, the EU promulgated its own Customs Code in order to safeguard the revenue of the European Community and its member states. Corporate aircraft operators who ignore the EU Customs Code do so at their peril.

Non-EU-registered corporate aircraft operators have been fined or have had their aircraft detained on numerous occasions during recent years for operating illegally in member states. This has occurred primarily in Nice and Paris. For example, U.S.-owned and registered Gulfstream III and Challenger aircraft were seized recently at Paris Le Bourget Airport for alleged customs violations. The same has happened at other EU airports.

Hopefully, you will never have to call your CEO from an EU-member country to report that the corporate aircraft and all aircraft documentation have been seized by custom authorities, and that you are making airline reservations for your stranded passengers, and that you would appreciate a wire transfer of $2 million U.S. to pay the value-added tax (VAT) plus 200,000 French Francs to pay the accompanying fine, and that you are not sure why this is happening because you do not speak the language and are unable to understand the customs officer or read the customs documents—which, by the way, you have refused to sign.

Your CEO probably would listen carefully and either: 1) offer to find you a new job; 2) negotiate with the foreign embassy for two or three weeks while the airplane remains confiscated; 3) post security in an amount equal to the value of the aircraft and the fine and agree to pay later, 4) pay the tax and fine in order to get your airplane released immediately ; or, the best option 5) call a customs expert in the EU who handles these types of problems every day.

With professional, experienced help on customs issues, you will : 1) eventually get your aircraft released ; 2) understand that it may be advantageous to temporarily import your aircraft into an EU country with a favorable value-added tax rate (the United Kingdom or Denmark) ; and 3) hopefully, pay a reasonable fine and get your $2 million security deposit back for your CEO, which may save your job. Then your customs expert will advise you to tell your friends who frequently fly into the EU that the way to avoid a similar experience is to either gain a very good understanding of the EU customs regulations as they are interpreted by each of the 15 member states or, preferably, import the aircraft into the EU and not worry again about being detained by EU customs.

An aircraft is considered imported when it is brought into the EU-member state and all applicable duties and value-added taxes are paid, and the aircraft is entered into the appropriate public record.

If you fly frequently within the EU and decide to import your corporate aircraft into the EU, you should know that value-added tax (VAT) rates and import duties vary throughout EU countries, ranging from about 18.5 percent to 20.5 percent. Certain countries—the United Kingdom and Denmark—have more favorable rates for certain types of aircraft depending on size and weight. The EU is attempting to harmonize these rates but, currently, each member state within the EU can set its own VAT and duty rates based on its own taxing policy.

Martyn Fiddler, an EU customs expert, advises that, to his knowledge, the United Kingdom is the only EU country that does not require an operator to change the state of registration to the country where the importation takes place. The operator can maintain the current U.S. registration and as far as the U.S. is concerned, the status of the aircraft does not change. The aircraft must be physically on the ground in the United Kingdom at the tune of importation. VAT is payable to the UK at a rate of zero for large aircraft weighing more than 8,000 kilos (17,637 pounds). Once the aircraft is imported into any EU member state, the EU permits free circulation of the aircraft within the European Union.

Is it that easy? Phil Rickert, a former director of aviation for a major U.S. corporation, says that he occasionally flew his company's EU customers within Europe at no charge. After he was stopped and questioned by EU customs, he imported his company's U.S.-registered corporate aircraft into the United Kingdom and never again experienced an EU customs problem. Rickert said he was very pleased with the guidance he received from his customs broker.

Understanding the EU Customs Code

More background Commission Regulation (EC) No. 2913/92 was implemented by Commission Regulation (EC) No. 2454/93 and has been amended numerous times with the latest amendment, Commission Regulation (EC) No. 993/2001, being adopted by the EU May 4, 2001. These regulations (including amendments) make up the EU Customs Code. After an EU Customs Code amendment is adopted, it may take 6 to 12 months before all member states implement it. Also remember that EU member states and their customs authorities do not always agree as to how EU legislation should be interpreted. This is not surprising given that EU regulations are promulgated in Brussels and then translated into 11 different languages.

Under certain specific conditions and restrictions, the EU Customs Code permits a temporarily imported aircraft to enter the EU with no customs documentation and no requirement to pay VAT or import duties prior to departure. If you violate any of the conditions and restrictions, an EU member state may take the position that you have illegally imported your aircraft into the EU without proper declaration and without payment of VAT and duty, and seize your aircraft.

Temporary Importation–Private vs. Commercial

Now for the conditions and restrictions: Commission Regulation (EC) No. 993/2001 (766 pages, adopted May 4, 2001) states that a non-EU-registered aircraft in "private use" may enter the EU for a period of up to six months without being liable for VAT or import duty tax liability. "Private use" is defined in Article 555 as "use other than commercial."

"Commercial use" is defined as "the transport of persons or of goods for remuneration or in the framework of an economic activity of an enterprise." This new EU regulation creates a broader definition of commercial use, arguably applying to any aircraft owned by a corporation operating in the EU on behalf of its business entity. Article 562 states that aircraft in commercial use are permitted to remain in the EU only for "the lime required for carrying out transport operations."

When asked how long this means, Fabien Foucault, a Paris attorney experienced in EU customs matters, advises that it means however long it takes to get your business done. When it's concluded, you depart. There are no set number of days. If it takes two days to do your business, then the airplane should depart after two days.

How do they know how long you've been in country? Remember that EU customs authorities have access to Eurocontrol flight records and can easily track flights to monitor when you come and go within the EU. Occasionally, a non-EU-registered aircraft will depart for a non-EU country such as Switzerland or Norway in order to remain in compliance with EU temporary import regulations.

Carriage of EU Nationals

The import status of the aircraft is not the only concern when flying internationally. Customs authorities also are looking at the states of the people inside the aircraft. Operators of non-EU registered aircraft being flown in the EU under a temporary import status should be very careful about complying with EU regulations for the carriage of EU passengers and crew members. The most difficult question to answer is whether a corporate aircraft that is registered outside the EU can carry EU nationals within the EU. EU Customs Code Article 561 provides in part that :

"Total relief from import duties shall be granted where means of transport are used commercially or privately by a natural person established in the customs territory of the Community and employed by the owner of the means of transport established outside that territory or otherwise authorized by the owner."

This EU code section appears to recognize that EU nationals who are employees of the owner of the aircraft, and EU nationals authorized by the owner to be on the aircraft, may travel on flights within the EU if the flight is otherwise in compliance with the EU Customs Code regulations.

This would appear consistent with an earlier interpretation of EU Customs Code Amendment 2454/93. The interpretation was contained in an official letter dated August 2000 to Air Routing International, Inc., another UK customs professional. The letter, which was from the Director General of French Customs in response to an Air Routing inquiry, advised that the Ministry responsible for Transport considers business aviation transport operations to be in the private domain, which does not require any prior authorization to proceed with the flight other than that a simple flight plan be lodged with the General Directorate of Civil Aviation (D.G.A.C.). This permits the temporary admission of an aircraft owned by a party outside the Customs Union of the European Community to operate within the EU in accordance with EU regulations. The letter further states:

"As such aircraft are always accompanied by a responsible authorized person or senior employee of the third party company, it is the latter who becomes the de facto beneficiary of the aircraft's temporary duty-free entry authorization as that person is acting on behalf of such company registered outside the EU. The presence on board of passengers, whether residents or non residents of the EU, has no influence on the rules and regulations of temporary duty free entry and passengers will have no formalities to ful fill.”

"In conclusion, the fact that a resident of the community is a passenger on board the third party's (i.e., company registered outside the EU) aircraft must not be considered as the aircraft being used to the passenger's personal benefit as such person is not a beneficiary of the temporary duty-free entry regime."

EU Code 993/201 Article 561 and the August 2000 official letter from the Director General of French Customs would indicate that the presence onboard of passengers, whether residents or non residents of the EU, does not affect the temporary duty-free entry. But would the French director of customs give the same opinion today, now that EC Customs Code 993/201 has broadened the definition of commercial use? Will the Ministry of Transport continue to treat business aviation transport operations to be in the private domain?

One thing is clear. It is extremely important that the owner either be onboard the aircraft or provide a letter or copy of the lease authorizing the passengers to use the aircraft. This demonstrates to customs authorities corporate use of the aircraft, and that the flight is not for hire or reward.

Martyn Fiddler takes a more cautious approach with regard to the carriage of EU nationals. He advises that aircraft operators in the UK should not carry EU nationals or crew, but if they do so, they should be aware of EU Code 742. This regulation provides that customs authorities may revoke a temporary importation authorization if customs finds that the means of transport has been "made available to another person in the customs territory for any purpose other thon immediate re-exportation" (ie. to a country outside the EU).

Obviously the EU Customs Code is complex. Compliance requires clarification by the EU to assist non-EU-registered operators in understanding the regulations. Member states may prefer that aircraft operating within the EU be imported into an EU country so as to collect import duties and value-added taxes and safeguard the revenue stream of the European Community.

A 20.5 percent VAT on a Gulfstream or a Challenger or any such aircraft is a lot of money, and operators of non EU-registered aircraft would be well-advised to carefully comply with the EU customs laws and/or investigate the benefits and burdens of importing a corporate aircraft into an EU-member state. If a company has operations within any of the EU-member states, they should also investigate the possibility of their being entitled to recover the full amount of the value-added tax if they indeed pay it.

Developing a better understanding of international and European Union operations is the goal of the European Business Aviation Conference & Exhibition (EBACE) that will be held in Geneva, Switzerland, May 28-30, 2002. EBACE is sponsored in partnership by the European Business Aviation Association and the National Business Aviation Association. The conference is an opportunity to learn more about operating and basing U.S.-registered aircraft in Europe. It also will be an ideal forum to talk to EU regulatory authorities.

The European Union has an office in Washington, D.C. and a Web site at www.eurunion.org. The Web site for the European Union in Brussels, Belgium, is www.europa.eu.int. EU regulations can be obtained in the United States through the European Document Research Group in Washington, D.C., the official agent of the Office for Official Publications of the European Communities, 1100 17th Street N.W., Suite 301, Washington D.C. 20036; telephone 202-785-8594; fax 202-785-8589; e-mail info@europeandocuments.com. The NBAA Tax Committee has recognized the importance of European customs and VAT issues and is including the subject in its NBAA tax conferences.
James E. Cooling is an attorney with the law firm of Cooling & Herbers, P.C. in Kansas City, Missouri. The firm represents United States and foreign business aircraft owners and operators in aircraft transactions and regulatory compliance. A graduate of the University of Notre Dame Law School, Cooling is a pilot, aircraft owner, and member of the NBAA Board of Directors.

Le classement tarifaire des appareils à fonctions multiples


Revue des Affaires Européennes 2005/4 de janvier 2007, p.615
Fabrice GOGUEL


La CJCE a toujours posé en principe que le classement tarifaire des marchandises devait se faire avant tout à partir de leurs « caractéristiques objectives ». Elle ne peut échapper pour autant à l’obligation de classer certains articles à partir de leur fonction, au risque de s’éloigner de l’obligation d’objectivité qu’elle s’est fixée. L’opération de classement tarifaire devient particulièrement délicate dans le cas d’appareils « à fonctions multiples », et elle a déjà retenu à plusieurs reprises l’attention des juridictions communautaires.

Si le savant Cosinus (« L’idée fixe du Savant Cosinus », par Christophe, éditions Armand Colin 1899), imaginé par Christophe à la fin du siècle dernier avait réalisé son rêve, à savoir parvenir à sortir de Paris sur son « anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle » dans lequel « sont utilisés tous les moyens propulsifs connus et même inconnus », il aurait sans doute posé aux fonctionnaires de l’octroi, qui à cette époque taxaient les marchandises à l’entrée et à la sortie des grandes villes un difficile problème de classement tarifaire. S’agissait-il d’un canon à recul, d’une bicyclette, d’une ombrelle, d’un coupe-vent, d’un bateau à voile ?… Si l’imagination de Christophe était sans limite, celle de nos ingénieurs modernes ne l’est pas moins, et, la miniaturisation de l’électronique aidant, nous sommes désormais familiers de téléphones qui photographient, d’appareils de photos qui filment, de consoles de jeux qui peuvent remplir toutes les fonctions d’un ordinateur, d’imprimantes qui sont en même temps des scanners et des télécopieurs et nul ne doute que cette tendance à la multifonction (Nous considérons comme synonymes les mots « appareils conçus pour assurer des fonctions différentes » utilisés notamment par le Système Harmonisé dans la note 3 de la section XVI, « appareils multifonctionnels », utilisés par la CJCE dans les arrêts Xerox et Hewlett Packard et « appareils multifonctions » retenus généralement par la presse informatique) ne pourra que s’accélérer dans l’avenir.

Dans quelques cas, le Système Harmonisé règle directement le problème. Par exemple, les téléviseurs restent classés à leur position habituelle même lorsqu’ils sont regroupés avec un magnétoscope et présentent donc, outre leur fonction de téléviseurs une fonction d’enregistrement.

Mais, par définition, la nomenclature douanière évolue avec retard par rapport à la technique et chaque nouvelle invention de produit multifonction pose un nouveau problème de classement tarifaire. La jurisprudence communautaire a plusieurs fois eu à connaître directement ou indirectement de ces questions. Les solutions données sont d’autant plus importantes que les projets actuellement à l’étude sous l’égide de l’Organisation Mondiale des Douanes envisagent de donner une importance croissante à la notion de « fonction principale », dont on va voir qu'elle suscite déjà bien des incertitudes. En outre, l’étude de cette jurisprudence est l’occasion d’étudier, et dans la mesure du possible de synthétiser les méthodes appliquées par la Cour et le Tribunal en matière de classement tarifaire.

A l’intention des non spécialistes, nous résumerons très brièvement le cadre juridique applicable.

Le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, généralement dénommé « Système harmonisé » ou « SH », régi par la « Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises » est une nomenclature internationale élaborée par l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Il comprend environ 5.000 groupes de marchandises, identifiés par un code à six chiffres et est utilisé par plus de 190 pays.

La Nomenclature Combinée (Règlement (CEE) n° 2658/87, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1) (NC) applicable aux marchandises faisant l'objet d'opérations d'importation ou d'exportation dans la Communauté est basée sur le Système Harmonisé auquel elle est identique pour ce qui est des positions et des sous-positions à six chiffres ; seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions lui sont propres. Le Système Harmonisé, comme la Nomenclature Combinée, est divisé en Sections et en Chapitres, chaque section et chaque chapitre contenant des notes qui précisent le champ d’application des positions et sous positions tarifaires.

Les « règles générales d'interprétation », figurant en préalable à la nomenclature proprement dite précisent les principes selon lesquels doit être effectué le classement des marchandises.

L'OMD publie régulièrement des « notes explicatives du système harmonisé ». De même, aux fins d'assurer l'application de la nomenclature combinée, la Commission élabore des notes explicatives de la nomenclature combinée publiées régulièrement au Journal officiel.

Une jurisprudence constante constate que ces notes explicatives représentent des moyens importants pour assurer une application uniforme du tarif et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (voir, notamment, arrêts du 19 mai 1994, Siemens Nixdorf, C-11/93, Rec. p. I-1945, point 11, et du 18 décembre 1997, Techex, C-382/95, Rec. p. I-7363, point 11).

Afin d'assurer l'application uniforme de la nomenclature combinée dans la Communauté, la Commission peut notamment adopter des «règlement de classement tarifaire» qui précisent la position tarifaire de produits pour lesquels les Etats Membres seraient tentés d’adopter des points de vue divergents. Pour leur part, les Administrations douanières nationales édictent à l’intention des opérateurs qui en font la demande des « renseignements tarifaires contraignants » (RTC) qui visent à garantir contre des changements d’interprétation rétroactifs.

C’est notamment l’appréciation de la validité des règlements de classement et des renseignements tarifaires contraignants qui donnent à la Cour par voie de réponse à des questions préjudicielles, et dans des cas de procédure particuliers au Tribunal de Première Instance l’occasion de prendre position sur le classement tarifaire de marchandises.

Dans pratiquement toutes ses décisions en matière tarifaire, la Cour affirme que « le critère décisif pour la classification douanière des marchandises doit être recherché d'une manière générale dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position du tarif douanier commun et des notes de sections ou de chapitres ».

Cette primauté des « caractéristiques et propriétés objectives » devrait théoriquement conduire à s’intéresser exclusivement à la nature ou à la composition des produits, mais la Cour n’a pas pu éviter de passer de ces critères purement matériels à celui, beaucoup plus subjectif, de la destination des marchandises. Elle a considéré que retenir dans certains cas « l'utilisation à laquelle les produits sont destinés » pouvait être nécessaire pour rechercher les caractéristiques objectives de ces produits, qui sont de nature à les distinguer des autres. Dans deux décisions qui ont suscité l’ironie de certains eurosceptiques s’étonnant que la Cour de Justice s’intéresse à des sujets apparemment frivoles, elle a décidé s'agissant de pyjamas ou de chemises de nuit, que la caractéristique objective de ces produits était d'être portés au lit en tant que vêtements de nuit et que, dès lors que cette caractéristique objective pouvait être vérifiée au moment du dédouanement, la circonstance qu'une autre utilisation du vêtement fût également envisageable n'était pas de nature à exclure la qualification juridique de pyjama. Elle en a conclu qu'il fallait considérer comme pyjamas non seulement les vêtements qui, du fait de leur apparence extérieure, sont destinés à être exclusivement portés au lit, mais aussi les compositions essentiellement utilisées à cette fin (arrêt de la Cour du 9 août 1994, Neckermann Versand, C-395/93, Rec. p. I-4027, points 6 et suivants, et arrêt de la Cour du 20 novembre 1997, Wiener SI, C-338/95, Rec. p. I-6495).

Dans une affaire récente sur laquelle nous aurons à revenir (30 septembre 2003, affaire T-243/01 Sony Computer Entertainment Europe Ltd), un requérant a soutenu (sans succès en l’espèce) qu'un classement fondé sur la destination est une méthode qui doit être utilisée en «dernier recours» et que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, préférence doit être donnée à des critères de classification fondés sur les caractéristiques et propriétés objectives des produits.

C’est nous semble-t-il la problématique à laquelle les juridictions sont confrontées dans le cas du classement tarifaire des produits multifonctions.

Au risque de déplaire aux partisans du principe selon lequel il convient toujours d’aller du général au particulier, nous procéderons par approches successives en étudiant tout d’abord l’application que la Cour a faite de certaines règles propres à l’informatique, puis à certaines catégories d’appareils, avant de revenir à la règle la plus générale applicable à toutes les catégories de marchandises.

Une règle spécifique aux produits informatiques : l’application restrictive par la Cour de la note 5 E du chapitre 84 de la Nomenclature

En dépit d’un titre dans lequel les seuls produits précisément énumérés à savoir les réacteurs nucléaires doivent rarement donner lieu à des opérations douanières, le chapitre 84 de la nomenclature comprend notamment sous l’intitulé un peu périmé de « machines automatiques de traitement de l’information » un produit phare de l’industrie moderne, l’ordinateur (Position tarifaire 8471).

Nul n’ignore qu’en dehors des ordinateurs proprement dits, il arrive de plus en plus fréquemment que des appareils de nature diverse incorporent des ordinateurs. Les rédacteurs du tarif se sont attachés à éviter que de tels appareils ne soient pour autant classés comme des ordinateurs.

La note 5 E du chapitre 84 dispose donc que « les machines exerçant une fonction propre autre que le traitement de l'information, incorporant une machine automatique de traitement de l'information ou travaillant en liaison avec une telle machine sont à classer dans la position correspondant à leur fonction(…)». Le fait que les appareils de traitement de l’information aient bénéficié de droits de douane réduits puis nuls n’est peut-être pas étranger au fait que la Commission des Communautés a essayé à plusieurs reprises de faire une application large de la note 5 E et de chercher à écarter du classement comme unités d’ordinateurs différents produits informatiques au motif qu’ils exerçaient une « fonction propre ».

Dans une première affaire SIEMENS (Arrêt du 19.5.1994, Aff. C-11/93 Rec.1994 p. I-1945), la question posée était celle de savoir si des moniteurs couleurs destinés à l’informatique possédaient une « fonction propre ». La Cour, comme en l’espèce la Commission, a conclu par la négative.

Dans une affaire TECHEX COMPUTER (Arrêt du 18.12.1997 Aff. C-382/95 Rec.1997 p. I-7363), s’agissant d’une carte informatique dédiée au traitement des images, la Commission avait tenté de soutenir que le traitement des images aurait constitué une fonction propre distincte du traitement de l’information stricto sensu. Cette position a été écartée par la Cour.

Dans trois affaires plus récentes (Arrêts de la Cour Peacock, C-339/98, Rec. p. I-8947 et Cabletron, C-463/98, Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) 13 février 2001, affaires jointes T-133/98 et T-134/98, Hewlett Packard France et Hewlett Packard Europe BV) qui mettaient en jeu des intérêts financiers considérables, la Commission a soutenu que des produits destinés à la mise en œuvre de réseaux locaux permettant de faire communiquer entre eux des ordinateurs à l’intérieur de sites plus ou moins étendus exerçaient une « fonction propre » distincte de celle de traitement de l’information, à savoir la transmission de donnée. La Commission entendait donc classer ces produits comme relevant de la télécommunication.

La Cour a jugé « qu'une telle appréciation ne s'appuie pas sur les caractéristiques et propriétés objectives d'une carte réseau, mais sur les fonctions que celle-ci permet à une machine automatique de traitement de l'information, dans son ensemble, de réaliser » et, s’attachant aux caractéristiques purement matérielles de ces produits, elle a refusé de leur reconnaître une fonction propre de télécommunication.

En l’espèce, la cour a donc clairement opposé la notion de « fonction » à celle de « caractéristiques objectives des marchandises».

Dans toutes ses décisions relatives à la note 5 E, elle a fait prévaloir la notion de « caractéristiques objectives » sur la notion de « fonction ».

Un cas où la nomenclature a expressément prévu le cas des appareils « conçus pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes » : la note 3 de la section XVI :

Outre le chapitre 84 déjà évoqué, la section XVI du tarif comprend le chapitre 85 qui vise de multiples appareils relevant notamment de la téléphonie, de la télévision et du son.

Sa note 3 indique « Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble. »

La Cour a eu une fois l’occasion de faire application de ces dispositions (Arrêt de la Cour C - 119/99 Hewlett Packard, 17.5.2001). Il s’agissait en l’espèce du classement tarifaire d’un appareil présentant les quatre fonctions d’imprimante, de scanner, de télécopieur et de photocopieur. Les parties étaient d’accord pour considérer que la fonction de photocopieur n’était en l’espèce que tout à fait accessoire. Les autres fonctions relevant toutes des chapitre 84 et 85, il y avait lieu sans discussion possible à appliquer la note 3 de la section XVI, et donc à déterminer la « fonction principale » de ces appareils. Le requérant contestait la validité d’un règlement de classement qui avait classé un appareil similaire à la position 8517 relative aux produits de télécommunication au motif que la fonction de télécopieur aurait été en l’occurrence la fonction principale de ces appareils.

La Cour ne s’est pas prononcée sur la fonction principale du produit, en laissant ce soin à la juridiction nationale.

Elle indique : « la motivation du point 3 de l'annexe du règlement n° 2184/97, figurant dans la colonne 3 de ladite annexe, (…) constate que « [l]a fonction de télécommunication (télécopie) constitue la fonction principale de cet appareil ». Il s'ensuit que le règlement en cause ne s'applique qu'au cas où la fonction de télécommunication (télécopie) est effectivement la fonction principale de l'appareil à classer ».

Du point de vue des opérateurs, avant tout à la recherche de sécurité juridique, la solution n’est guère enthousiasmante. La portée pratique des règlements de classement se trouve singulièrement amoindrie pas la position retenue par la Cour. On se trouve en effet contraint de déterminer la fonction principale des appareils -et donc en pratique leur position tarifaire- pour savoir si le Règlement de classement leur est ou non applicable. Certes, cela a évité d’annuler le Règlement en question, mais cela l’a aussi privé de toute portée utile.

Cette solution traduit à notre avis la difficulté à laquelle s’est heurté la Cour pour déterminer sur quel critères exacts doit s’apprécier la notion de fonction principale. Il est vrai que la question n’était pas formellement posée par la juridiction nationale, mais le fait est que l’arrêt n’en dit pas un mot.

Son avocat général, avait pour sa part proposé certains critères et écarté un de ceux proposés dans les termes suivants : « Il y aura lieu de définir quelle est la fonction principale des appareils en question, en examinant soigneusement ce qu'ils apportent en termes de performance dans les différentes fonctions qu'ils peuvent remplir, en comparant ces performances à celles des appareils spécialisés dans ces différentes fonctions, en appréciant leur degré d'autonomie par rapport à l'ordinateur auquel ils ont vocation à être connectés et en s'interrogeant sur l'importance que revêt, ou non, l'absence de carte fax au moment de l'importation. Devront, en revanche, être écartés certains des éléments mis en avant par Hewlett Packard, telle la vocation traditionnelle de cette entreprise, qui sont étrangers aux critères de classement retenus par la nomenclature combinée ».

Outre qu’ils n’ont pas été repris dans l’arrêt, ces critères sont à notre avis loin d’épuiser la question, à la fois en ce qui concerne les critères proposés que ceux qui ne sont pas évoqués.

Séduisant au premier abord, le critère de la comparaison de chaque fonction avec les performances d’appareils spécialisés n’a rien d’évident. Une voiture qui disposerait d’une radio aux performances supérieures à la plupart des radios vendues séparément n’en resterait pas moins une voiture.

Un point non évoqué est l’importance à attacher à la façon dont l’appareil est présenté au public : le fait que le constructeur dans sa publicité insiste particulièrement sur une fonction déterminée doit-il conduire à l’analyser comme une fonction principale ? Nous ne le pensons pas, d’une part parce que le constructeur pourrait alors orienter artificiellement le classement de son produit, et d’autre part parce que sa communication risque d’insister surtout sur une fonction que la concurrence ne propose pas, pour souligner un avantage, ce qui ne veut pas dire que cette fonction ne soit pas accessoire.

Autre aspect non cité, la question de la référence à d’éventuelles statistiques d’utilisation des différentes fonctions par les opérateurs. On peut être tenté de soutenir que de telles statistiques n’établissent pas une caractéristique objective « pouvant être vérifiée au moment du dédouanement ». Cette objection ne vaudrait toutefois que dans le cas d’une première importation d’un produit entièrement nouveau, mais elle n’est pas fondée si le produit a déjà fait l’objet d’une commercialisation sous la même forme dans un autre pays, ou sous une forme comparable dans le pays d’importation.

Nous pensons pour notre part que la seule façon objective de déterminer la fonction principale est de rechercher, à l’aide d’enquête fiables, l’usage concret qui en est fait, mais la question, qui peut prêter à controverse, reste aujourd’hui à juger.

Une chose est sûre, les critères de détermination de la « fonction principale » d’un appareil multifonction restent aujourd’hui fort incertains.

Peut-on étendre la notion de « fonction principale » à des produits ne relevant pas de la section XVI de la nomenclature, et à défaut quel autre règle de droit faut-il alors appliquer ?

Comme nous l’avons vu, le critère de la « fonction principale » n’est prévu que par une note de la section XVI de la Nomenclature.

D’un strict point de vue juridique, cette note n’a donc pas vocation à s’appliquer lorsque le classement tarifaire du produit peut relever de positions extérieures à la section en question.

Faute d’autre règle, il y aurait alors lieu de se reporter à la note 3b des Règles Générale qui dispose : « les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a, sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination »

Dans son arrêt XEROX (Arrêt de la Cour C - 67/95, Rank Xerox Manufacturing, 9.10.1997), la Cour avait laissé entendre que pour l’application de cette règle générale, la « fonction » pouvait, comme « la matière ou l’article » permettre de déterminer le « caractère essentiel » d’un produit.

Après avoir exclu l’application de la note 3 de la section XVI au motif qu’un des classements possibles de la marchandise ne relevait pas ce cette section, la Cour indique en effet : « la règle (figurant à la lettre 3 b des règles générale) ne s'applique pas dès lors que les appareils en question ne présentent aucune fonction permettant de déterminer leur caractère essentiel. » (C’est nous qui soulignons).

Dans un arrêt plus récent (TPIC 30 septembre 2003, affaire T-243/01 Sony Computer Entertainment Europe Ltd), le Tribunal de Première Instance a au contraire exclu la référence à la notion de « fonction » pour l’application de la Règle générale 3 b. Il s’agissait en l’espèce de classer une console de jeu dont la destination était de toute évidence avant tout celle de faire fonctionner des logiciels de jeux électroniques, mais dont le principe de fonctionnement, et en particulier l’unité centrale, était celui d’un ordinateur. Le Tribunal indique « selon les termes clairs de la règle générale nº 3 b), celle-ci prévoit le classement des produits mélangés et assortiments uniquement selon la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel. En revanche, elle ne prévoit pas la possibilité d'effectuer le classement des produits mélangés ou assortiments d'après la fonction qui leur confère leur caractère essentiel. »

Et sur cette base, le Tribunal a annulé le règlement de classement qui lui était soumis parce que la Commission l’avait motivé par l’application de la règle générale 3 b. Cette annulation est d’autant plus significative que le Tribunal semble avoir été d’accord sur la solution de fond du Règlement qui avait classé cette console sous le libellé « 9504 10 00 Jeux vidéo des types utilisables avec un récepteur de télévision ».

Il avait en tout cas considéré qu’un tel classement était envisageable, au motif que « la console PlayStationR2 est destinée à être utilisée essentiellement pour l'exécution de jeux vidéo », et sur la base juridique de la jurisprudence « des pyjamas » que nous avons citée en commençant et au terme de laquelle en l’absence de précision contraire dans la Nomenclature, il est possible de rechercher la caractéristique objective de produits, dans l'utilisation à laquelle les produits sont destinés.

Sauf à entrer dans des distinctions byzantines sur la différence entre le notion de « fonction » des produits, et celle de « l'utilisation à laquelle les produits sont destinés », le Tribunal dans son arrêt Sony a donc écarté la base juridique du critère de la « fonction » qu’avait retenue la Commission, pour retenir un critère pratiquement identique fondé sur la seule jurisprudence prétorienne de la Cour de Justice.

* * * Pour tenter de conclure sur l’état actuel de la jurisprudence, il nous semble que celle-ci s’est engagée, pour aboutir à des solutions pratiquement acceptables dans une voie qui s’éloigne dangereusement de la notion de « caractéristique objective des produits » pour se fonder, sinon sur la fonction au sens strict, au moins sur celle, à nos yeux similaire de « l’utilisation à laquelle les produits sont destinés ».

L’interprétation restrictive que la Cour a donné à la note 5 E du chapitre 84 relative à la notion de « fonction propre », et le refus du Tribunal d’assimiler « la matière ou l'article qui confère le caractère essentiel » à la « fonction principale » montre que les juges sont conscients du risque qu’il y aurait pour l’objectivité de leur jurisprudence, à aller trop loin dans cette voie.

Il n’y a pas de doute à nos yeux que si elle a à nouveau dans l’avenir à classer des produits dont les composants peuvent être effectivement distingués, la jurisprudence fera prévaloir comme elle l’a toujours fait « les caractéristiques objectives » du composant conférant « le caractère essentiel » du produit.

Mais il y aura de plus en plus dans le futur de produits multifonctions conçus en tant que tels, sans qu’il soit possible de distinguer les composants relatifs à chaque fonction. Dans de tels cas, en l’état de la nomenclature, la règle générale 3 c qui classe arbitrairement les produits dans « dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération », solution du désespoir du classement tarifaire, risque de connaître de fréquentes applications.

Si, comme cela paraît annoncé, une nouvelle version du Système Harmonisé doit généraliser le recours à la notion de « fonction principale », aujourd’hui applicable aux seuls produits relevant exclusivement de la section XVI du tarif, il restera à définir selon quels critères cette « fonction principale » pourra être déterminée de façon réellement objective.

Assistance fiscale internationale et droits de la défense


Revue des Affaires Européennes 2005/4 de janvier 2007, p.615
Fabrice GOGUEL


La CJCE a toujours posé en principe que le classement tarifaire des marchandises devait se faire avant tout à partir de leurs « caractéristiques objectives ». Elle ne peut échapper pour autant à l’obligation de classer certains articles à partir de leur fonction, au risque de s’éloigner de l’obligation d’objectivité qu’elle s’est fixée. L’opération de classement tarifaire devient particulièrement délicate dans le cas d’appareils « à fonctions multiples », et elle a déjà retenu à plusieurs reprises l’attention des juridictions communautaires.

Si le savant Cosinus (« L’idée fixe du Savant Cosinus », par Christophe, éditions Armand Colin 1899), imaginé par Christophe à la fin du siècle dernier avait réalisé son rêve, à savoir parvenir à sortir de Paris sur son « anémélectroreculpédalicoupeventombrosoparacloucycle » dans lequel « sont utilisés tous les moyens propulsifs connus et même inconnus », il aurait sans doute posé aux fonctionnaires de l’octroi, qui à cette époque taxaient les marchandises à l’entrée et à la sortie des grandes villes un difficile problème de classement tarifaire. S’agissait-il d’un canon à recul, d’une bicyclette, d’une ombrelle, d’un coupe-vent, d’un bateau à voile ?… Si l’imagination de Christophe était sans limite, celle de nos ingénieurs modernes ne l’est pas moins, et, la miniaturisation de l’électronique aidant, nous sommes désormais familiers de téléphones qui photographient, d’appareils de photos qui filment, de consoles de jeux qui peuvent remplir toutes les fonctions d’un ordinateur, d’imprimantes qui sont en même temps des scanners et des télécopieurs et nul ne doute que cette tendance à la multifonction (Nous considérons comme synonymes les mots « appareils conçus pour assurer des fonctions différentes » utilisés notamment par le Système Harmonisé dans la note 3 de la section XVI, « appareils multifonctionnels », utilisés par la CJCE dans les arrêts Xerox et Hewlett Packard et « appareils multifonctions » retenus généralement par la presse informatique) ne pourra que s’accélérer dans l’avenir.

Dans quelques cas, le Système Harmonisé règle directement le problème. Par exemple, les téléviseurs restent classés à leur position habituelle même lorsqu’ils sont regroupés avec un magnétoscope et présentent donc, outre leur fonction de téléviseurs une fonction d’enregistrement.

Mais, par définition, la nomenclature douanière évolue avec retard par rapport à la technique et chaque nouvelle invention de produit multifonction pose un nouveau problème de classement tarifaire. La jurisprudence communautaire a plusieurs fois eu à connaître directement ou indirectement de ces questions. Les solutions données sont d’autant plus importantes que les projets actuellement à l’étude sous l’égide de l’Organisation Mondiale des Douanes envisagent de donner une importance croissante à la notion de « fonction principale », dont on va voir qu'elle suscite déjà bien des incertitudes. En outre, l’étude de cette jurisprudence est l’occasion d’étudier, et dans la mesure du possible de synthétiser les méthodes appliquées par la Cour et le Tribunal en matière de classement tarifaire.

A l’intention des non spécialistes, nous résumerons très brièvement le cadre juridique applicable.

Le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, généralement dénommé « Système harmonisé » ou « SH », régi par la « Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises » est une nomenclature internationale élaborée par l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD). Il comprend environ 5.000 groupes de marchandises, identifiés par un code à six chiffres et est utilisé par plus de 190 pays.

La Nomenclature Combinée (Règlement (CEE) n° 2658/87, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1) (NC) applicable aux marchandises faisant l'objet d'opérations d'importation ou d'exportation dans la Communauté est basée sur le Système Harmonisé auquel elle est identique pour ce qui est des positions et des sous-positions à six chiffres ; seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions lui sont propres. Le Système Harmonisé, comme la Nomenclature Combinée, est divisé en Sections et en Chapitres, chaque section et chaque chapitre contenant des notes qui précisent le champ d’application des positions et sous positions tarifaires.

Les « règles générales d'interprétation », figurant en préalable à la nomenclature proprement dite précisent les principes selon lesquels doit être effectué le classement des marchandises.

L'OMD publie régulièrement des « notes explicatives du système harmonisé ». De même, aux fins d'assurer l'application de la nomenclature combinée, la Commission élabore des notes explicatives de la nomenclature combinée publiées régulièrement au Journal officiel.

Une jurisprudence constante constate que ces notes explicatives représentent des moyens importants pour assurer une application uniforme du tarif et fournissent, en tant que telles, des éléments valables pour son interprétation (voir, notamment, arrêts du 19 mai 1994, Siemens Nixdorf, C-11/93, Rec. p. I-1945, point 11, et du 18 décembre 1997, Techex, C-382/95, Rec. p. I-7363, point 11).

Afin d'assurer l'application uniforme de la nomenclature combinée dans la Communauté, la Commission peut notamment adopter des «règlement de classement tarifaire» qui précisent la position tarifaire de produits pour lesquels les Etats Membres seraient tentés d’adopter des points de vue divergents. Pour leur part, les Administrations douanières nationales édictent à l’intention des opérateurs qui en font la demande des « renseignements tarifaires contraignants » (RTC) qui visent à garantir contre des changements d’interprétation rétroactifs.

C’est notamment l’appréciation de la validité des règlements de classement et des renseignements tarifaires contraignants qui donnent à la Cour par voie de réponse à des questions préjudicielles, et dans des cas de procédure particuliers au Tribunal de Première Instance l’occasion de prendre position sur le classement tarifaire de marchandises.

Dans pratiquement toutes ses décisions en matière tarifaire, la Cour affirme que « le critère décisif pour la classification douanière des marchandises doit être recherché d'une manière générale dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position du tarif douanier commun et des notes de sections ou de chapitres ».

Cette primauté des « caractéristiques et propriétés objectives » devrait théoriquement conduire à s’intéresser exclusivement à la nature ou à la composition des produits, mais la Cour n’a pas pu éviter de passer de ces critères purement matériels à celui, beaucoup plus subjectif, de la destination des marchandises. Elle a considéré que retenir dans certains cas « l'utilisation à laquelle les produits sont destinés » pouvait être nécessaire pour rechercher les caractéristiques objectives de ces produits, qui sont de nature à les distinguer des autres. Dans deux décisions qui ont suscité l’ironie de certains eurosceptiques s’étonnant que la Cour de Justice s’intéresse à des sujets apparemment frivoles, elle a décidé s'agissant de pyjamas ou de chemises de nuit, que la caractéristique objective de ces produits était d'être portés au lit en tant que vêtements de nuit et que, dès lors que cette caractéristique objective pouvait être vérifiée au moment du dédouanement, la circonstance qu'une autre utilisation du vêtement fût également envisageable n'était pas de nature à exclure la qualification juridique de pyjama. Elle en a conclu qu'il fallait considérer comme pyjamas non seulement les vêtements qui, du fait de leur apparence extérieure, sont destinés à être exclusivement portés au lit, mais aussi les compositions essentiellement utilisées à cette fin (arrêt de la Cour du 9 août 1994, Neckermann Versand, C-395/93, Rec. p. I-4027, points 6 et suivants, et arrêt de la Cour du 20 novembre 1997, Wiener SI, C-338/95, Rec. p. I-6495).

Dans une affaire récente sur laquelle nous aurons à revenir (30 septembre 2003, affaire T-243/01 Sony Computer Entertainment Europe Ltd), un requérant a soutenu (sans succès en l’espèce) qu'un classement fondé sur la destination est une méthode qui doit être utilisée en «dernier recours» et que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, préférence doit être donnée à des critères de classification fondés sur les caractéristiques et propriétés objectives des produits.

C’est nous semble-t-il la problématique à laquelle les juridictions sont confrontées dans le cas du classement tarifaire des produits multifonctions.

Au risque de déplaire aux partisans du principe selon lequel il convient toujours d’aller du général au particulier, nous procéderons par approches successives en étudiant tout d’abord l’application que la Cour a faite de certaines règles propres à l’informatique, puis à certaines catégories d’appareils, avant de revenir à la règle la plus générale applicable à toutes les catégories de marchandises.

Une règle spécifique aux produits informatiques : l’application restrictive par la Cour de la note 5 E du chapitre 84 de la Nomenclature

En dépit d’un titre dans lequel les seuls produits précisément énumérés à savoir les réacteurs nucléaires doivent rarement donner lieu à des opérations douanières, le chapitre 84 de la nomenclature comprend notamment sous l’intitulé un peu périmé de « machines automatiques de traitement de l’information » un produit phare de l’industrie moderne, l’ordinateur (Position tarifaire 8471).

Nul n’ignore qu’en dehors des ordinateurs proprement dits, il arrive de plus en plus fréquemment que des appareils de nature diverse incorporent des ordinateurs. Les rédacteurs du tarif se sont attachés à éviter que de tels appareils ne soient pour autant classés comme des ordinateurs.

La note 5 E du chapitre 84 dispose donc que « les machines exerçant une fonction propre autre que le traitement de l'information, incorporant une machine automatique de traitement de l'information ou travaillant en liaison avec une telle machine sont à classer dans la position correspondant à leur fonction(…)». Le fait que les appareils de traitement de l’information aient bénéficié de droits de douane réduits puis nuls n’est peut-être pas étranger au fait que la Commission des Communautés a essayé à plusieurs reprises de faire une application large de la note 5 E et de chercher à écarter du classement comme unités d’ordinateurs différents produits informatiques au motif qu’ils exerçaient une « fonction propre ».

Dans une première affaire SIEMENS (Arrêt du 19.5.1994, Aff. C-11/93 Rec.1994 p. I-1945), la question posée était celle de savoir si des moniteurs couleurs destinés à l’informatique possédaient une « fonction propre ». La Cour, comme en l’espèce la Commission, a conclu par la négative.

Dans une affaire TECHEX COMPUTER (Arrêt du 18.12.1997 Aff. C-382/95 Rec.1997 p. I-7363), s’agissant d’une carte informatique dédiée au traitement des images, la Commission avait tenté de soutenir que le traitement des images aurait constitué une fonction propre distincte du traitement de l’information stricto sensu. Cette position a été écartée par la Cour.

Dans trois affaires plus récentes (Arrêts de la Cour Peacock, C-339/98, Rec. p. I-8947 et Cabletron, C-463/98, Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) 13 février 2001, affaires jointes T-133/98 et T-134/98, Hewlett Packard France et Hewlett Packard Europe BV) qui mettaient en jeu des intérêts financiers considérables, la Commission a soutenu que des produits destinés à la mise en œuvre de réseaux locaux permettant de faire communiquer entre eux des ordinateurs à l’intérieur de sites plus ou moins étendus exerçaient une « fonction propre » distincte de celle de traitement de l’information, à savoir la transmission de donnée. La Commission entendait donc classer ces produits comme relevant de la télécommunication.

La Cour a jugé « qu'une telle appréciation ne s'appuie pas sur les caractéristiques et propriétés objectives d'une carte réseau, mais sur les fonctions que celle-ci permet à une machine automatique de traitement de l'information, dans son ensemble, de réaliser » et, s’attachant aux caractéristiques purement matérielles de ces produits, elle a refusé de leur reconnaître une fonction propre de télécommunication.

En l’espèce, la cour a donc clairement opposé la notion de « fonction » à celle de « caractéristiques objectives des marchandises».

Dans toutes ses décisions relatives à la note 5 E, elle a fait prévaloir la notion de « caractéristiques objectives » sur la notion de « fonction ».

Un cas où la nomenclature a expressément prévu le cas des appareils « conçus pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes » : la note 3 de la section XVI :

Outre le chapitre 84 déjà évoqué, la section XVI du tarif comprend le chapitre 85 qui vise de multiples appareils relevant notamment de la téléphonie, de la télévision et du son.

Sa note 3 indique « Sauf dispositions contraires, les combinaisons de machines d'espèces différentes destinées à fonctionner ensemble et ne constituant qu'un seul corps, ainsi que les machines conçues pour assurer deux ou plusieurs fonctions différentes, alternatives ou complémentaires, sont classées suivant la fonction principale qui caractérise l'ensemble. »

La Cour a eu une fois l’occasion de faire application de ces dispositions (Arrêt de la Cour C - 119/99 Hewlett Packard, 17.5.2001). Il s’agissait en l’espèce du classement tarifaire d’un appareil présentant les quatre fonctions d’imprimante, de scanner, de télécopieur et de photocopieur. Les parties étaient d’accord pour considérer que la fonction de photocopieur n’était en l’espèce que tout à fait accessoire. Les autres fonctions relevant toutes des chapitre 84 et 85, il y avait lieu sans discussion possible à appliquer la note 3 de la section XVI, et donc à déterminer la « fonction principale » de ces appareils. Le requérant contestait la validité d’un règlement de classement qui avait classé un appareil similaire à la position 8517 relative aux produits de télécommunication au motif que la fonction de télécopieur aurait été en l’occurrence la fonction principale de ces appareils.

La Cour ne s’est pas prononcée sur la fonction principale du produit, en laissant ce soin à la juridiction nationale.

Elle indique : « la motivation du point 3 de l'annexe du règlement n° 2184/97, figurant dans la colonne 3 de ladite annexe, (…) constate que « [l]a fonction de télécommunication (télécopie) constitue la fonction principale de cet appareil ». Il s'ensuit que le règlement en cause ne s'applique qu'au cas où la fonction de télécommunication (télécopie) est effectivement la fonction principale de l'appareil à classer ».

Du point de vue des opérateurs, avant tout à la recherche de sécurité juridique, la solution n’est guère enthousiasmante. La portée pratique des règlements de classement se trouve singulièrement amoindrie pas la position retenue par la Cour. On se trouve en effet contraint de déterminer la fonction principale des appareils -et donc en pratique leur position tarifaire- pour savoir si le Règlement de classement leur est ou non applicable. Certes, cela a évité d’annuler le Règlement en question, mais cela l’a aussi privé de toute portée utile.

Cette solution traduit à notre avis la difficulté à laquelle s’est heurté la Cour pour déterminer sur quel critères exacts doit s’apprécier la notion de fonction principale. Il est vrai que la question n’était pas formellement posée par la juridiction nationale, mais le fait est que l’arrêt n’en dit pas un mot.

Son avocat général, avait pour sa part proposé certains critères et écarté un de ceux proposés dans les termes suivants : « Il y aura lieu de définir quelle est la fonction principale des appareils en question, en examinant soigneusement ce qu'ils apportent en termes de performance dans les différentes fonctions qu'ils peuvent remplir, en comparant ces performances à celles des appareils spécialisés dans ces différentes fonctions, en appréciant leur degré d'autonomie par rapport à l'ordinateur auquel ils ont vocation à être connectés et en s'interrogeant sur l'importance que revêt, ou non, l'absence de carte fax au moment de l'importation. Devront, en revanche, être écartés certains des éléments mis en avant par Hewlett Packard, telle la vocation traditionnelle de cette entreprise, qui sont étrangers aux critères de classement retenus par la nomenclature combinée ».

Outre qu’ils n’ont pas été repris dans l’arrêt, ces critères sont à notre avis loin d’épuiser la question, à la fois en ce qui concerne les critères proposés que ceux qui ne sont pas évoqués.

Séduisant au premier abord, le critère de la comparaison de chaque fonction avec les performances d’appareils spécialisés n’a rien d’évident. Une voiture qui disposerait d’une radio aux performances supérieures à la plupart des radios vendues séparément n’en resterait pas moins une voiture.

Un point non évoqué est l’importance à attacher à la façon dont l’appareil est présenté au public : le fait que le constructeur dans sa publicité insiste particulièrement sur une fonction déterminée doit-il conduire à l’analyser comme une fonction principale ? Nous ne le pensons pas, d’une part parce que le constructeur pourrait alors orienter artificiellement le classement de son produit, et d’autre part parce que sa communication risque d’insister surtout sur une fonction que la concurrence ne propose pas, pour souligner un avantage, ce qui ne veut pas dire que cette fonction ne soit pas accessoire.

Autre aspect non cité, la question de la référence à d’éventuelles statistiques d’utilisation des différentes fonctions par les opérateurs. On peut être tenté de soutenir que de telles statistiques n’établissent pas une caractéristique objective « pouvant être vérifiée au moment du dédouanement ». Cette objection ne vaudrait toutefois que dans le cas d’une première importation d’un produit entièrement nouveau, mais elle n’est pas fondée si le produit a déjà fait l’objet d’une commercialisation sous la même forme dans un autre pays, ou sous une forme comparable dans le pays d’importation.

Nous pensons pour notre part que la seule façon objective de déterminer la fonction principale est de rechercher, à l’aide d’enquête fiables, l’usage concret qui en est fait, mais la question, qui peut prêter à controverse, reste aujourd’hui à juger.

Une chose est sûre, les critères de détermination de la « fonction principale » d’un appareil multifonction restent aujourd’hui fort incertains.

Peut-on étendre la notion de « fonction principale » à des produits ne relevant pas de la section XVI de la nomenclature, et à défaut quel autre règle de droit faut-il alors appliquer ?

Comme nous l’avons vu, le critère de la « fonction principale » n’est prévu que par une note de la section XVI de la Nomenclature.

D’un strict point de vue juridique, cette note n’a donc pas vocation à s’appliquer lorsque le classement tarifaire du produit peut relever de positions extérieures à la section en question.

Faute d’autre règle, il y aurait alors lieu de se reporter à la note 3b des Règles Générale qui dispose : « les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a, sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination »

Dans son arrêt XEROX (Arrêt de la Cour C - 67/95, Rank Xerox Manufacturing, 9.10.1997), la Cour avait laissé entendre que pour l’application de cette règle générale, la « fonction » pouvait, comme « la matière ou l’article » permettre de déterminer le « caractère essentiel » d’un produit.

Après avoir exclu l’application de la note 3 de la section XVI au motif qu’un des classements possibles de la marchandise ne relevait pas ce cette section, la Cour indique en effet : « la règle (figurant à la lettre 3 b des règles générale) ne s'applique pas dès lors que les appareils en question ne présentent aucune fonction permettant de déterminer leur caractère essentiel. » (C’est nous qui soulignons).

Dans un arrêt plus récent (TPIC 30 septembre 2003, affaire T-243/01 Sony Computer Entertainment Europe Ltd), le Tribunal de Première Instance a au contraire exclu la référence à la notion de « fonction » pour l’application de la Règle générale 3 b. Il s’agissait en l’espèce de classer une console de jeu dont la destination était de toute évidence avant tout celle de faire fonctionner des logiciels de jeux électroniques, mais dont le principe de fonctionnement, et en particulier l’unité centrale, était celui d’un ordinateur. Le Tribunal indique « selon les termes clairs de la règle générale nº 3 b), celle-ci prévoit le classement des produits mélangés et assortiments uniquement selon la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel. En revanche, elle ne prévoit pas la possibilité d'effectuer le classement des produits mélangés ou assortiments d'après la fonction qui leur confère leur caractère essentiel. »

Et sur cette base, le Tribunal a annulé le règlement de classement qui lui était soumis parce que la Commission l’avait motivé par l’application de la règle générale 3 b. Cette annulation est d’autant plus significative que le Tribunal semble avoir été d’accord sur la solution de fond du Règlement qui avait classé cette console sous le libellé « 9504 10 00 Jeux vidéo des types utilisables avec un récepteur de télévision ».

Il avait en tout cas considéré qu’un tel classement était envisageable, au motif que « la console PlayStationR2 est destinée à être utilisée essentiellement pour l'exécution de jeux vidéo », et sur la base juridique de la jurisprudence « des pyjamas » que nous avons citée en commençant et au terme de laquelle en l’absence de précision contraire dans la Nomenclature, il est possible de rechercher la caractéristique objective de produits, dans l'utilisation à laquelle les produits sont destinés.

Sauf à entrer dans des distinctions byzantines sur la différence entre le notion de « fonction » des produits, et celle de « l'utilisation à laquelle les produits sont destinés », le Tribunal dans son arrêt Sony a donc écarté la base juridique du critère de la « fonction » qu’avait retenue la Commission, pour retenir un critère pratiquement identique fondé sur la seule jurisprudence prétorienne de la Cour de Justice.

* * * Pour tenter de conclure sur l’état actuel de la jurisprudence, il nous semble que celle-ci s’est engagée, pour aboutir à des solutions pratiquement acceptables dans une voie qui s’éloigne dangereusement de la notion de « caractéristique objective des produits » pour se fonder, sinon sur la fonction au sens strict, au moins sur celle, à nos yeux similaire de « l’utilisation à laquelle les produits sont destinés ».

L’interprétation restrictive que la Cour a donné à la note 5 E du chapitre 84 relative à la notion de « fonction propre », et le refus du Tribunal d’assimiler « la matière ou l'article qui confère le caractère essentiel » à la « fonction principale » montre que les juges sont conscients du risque qu’il y aurait pour l’objectivité de leur jurisprudence, à aller trop loin dans cette voie.

Il n’y a pas de doute à nos yeux que si elle a à nouveau dans l’avenir à classer des produits dont les composants peuvent être effectivement distingués, la jurisprudence fera prévaloir comme elle l’a toujours fait « les caractéristiques objectives » du composant conférant « le caractère essentiel » du produit.

Mais il y aura de plus en plus dans le futur de produits multifonctions conçus en tant que tels, sans qu’il soit possible de distinguer les composants relatifs à chaque fonction. Dans de tels cas, en l’état de la nomenclature, la règle générale 3 c qui classe arbitrairement les produits dans « dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération », solution du désespoir du classement tarifaire, risque de connaître de fréquentes applications.

Si, comme cela paraît annoncé, une nouvelle version du Système Harmonisé doit généraliser le recours à la notion de « fonction principale », aujourd’hui applicable aux seuls produits relevant exclusivement de la section XVI du tarif, il restera à définir selon quels critères cette « fonction principale » pourra être déterminée de façon réellement objective.

La garantie contre le changement de doctrine face au droit communautaire


JCP E, 1993, n°11, Etude n°228, p.128
Fabrice GOGUEL


1. - Pour les responsables du contrôle fiscal des pays de la CEE, 1993 est une année à risques. Beaucoup redoutent que la suppression des contrôles aux frontières ne soit l'occasion d'une explosion de la fraude en matière de TVA.

En l'absence du mode de preuve obligatoire que constituaient les déclarations en douane, on peut craindre notamment que des ventes intérieures ne soient faussement présentées comme des expéditions intracommunautaires bénéficiant ainsi d'une exonération indue. L'administration fiscale redoute également la création de « couples de fraudeurs » c'est-à-dire d'expéditeurs et d'acheteurs intracommunautaires travaillant tout simplement « au noir ».

A ces risques nouveaux, la seule réponse — qui est une petite révolution — vient de modalités nouvelles en matière d'Assistance Administrative Internationale. Pour la première fois, chaque Administration aura accès par voie informatique aux fichiers des autres administrations fiscales.

Tout a donc été mis en place pour que cette exception au secret professionnel que constitue la transmission de données fiscales à un autre pays devienne en ce domaine la règle.

D'une façon générale, chaque libération des échanges et des règlements financiers augmente le risque de fraude fiscale internationale. Ce n'est pas un hasard si, lors du débat qui a précédé en France la suppression du contrôle des changes, les parlementaires ont été unanimes pour souhaiter en contrepartie « le renforcement de la coopération entre les administrations fiscales nationales » (Rapport de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 1990, Doc. Ass. Nat. n. 920, p. 15). Même si ce voeu pieux est loin d'être satisfait, on peut s'attendre à ce que l'extension régulière de l'Assistance Administrative Internationale ne cesse de progresser.

2. - Or, l'Assistance Administrative est à la fois la tarte à la crème et l'arlésienne de la fiscalité internationale.

Beaucoup l'évoquent sans bien savoir avec quels pays et pour quels renseignements elle est concrètement mise en oeuvre ; on en voit indirectement les effets, mais son fonctionnement reste dominé par un épais secret.

II est vrai que l'administration fiscale a tout intérêt à entretenir cette ambivalence : pour elle, l'Assistance Administrative a autant d'effet comme menace potentielle que par sa mise en oeuvre effective et les « trous » qui existent en ce domaine avec bien des pays qui refusent de transmettre certains types de renseignements n'ont pas besoin à ses yeux de recevoir de publicité particulière (Un tableau très complet des renseignements transmis ou non par les principaux pays a figuré dans les travaux préparatoires d'une loi récente : V. rapport précité note 1, p. 151 s.).

3. - Ce souci d'efficacité serait parfaitement légitime s'il ne conduisait bien souvent à placer le contribuable concerné par une opération d'Assistance Administrative dans un brouillard peu favorable à sa défense.

Ne risque-t-on pas en ce domaine d'aller jusqu'à de véritables violations des droits de la défense, d'autant plus regrettables que le domaine de l'Assistance Administrative paraît destiné à s'accroître ? C'est la question à laquelle nous tenterons de répondre.

Une opération d'Assistance Administrative met en cause deux pays : le pays requis, qui va transmettre les informations, et le pays requérant qui va les recevoir. Nous examinerons l'attitude de notre Administration dans chacune de ces deux hypothèses.

A. — LA FRANCE PAYS REQUIS

4. - Toutes les conventions fiscales internationales contiennent des limitations quant à la nature des renseignements qu'un pays peut avoir à transmettre.

Par exemple, Modèle de Convention de double imposition concer¬nant le revenu et la fortune, OCDE 1977, art. 26-2 :
« Les dispositions du paragraphe 1 ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation :
a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de faute Etat contractant ;
b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant ;
c) de fournir des renseignements qui révèleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial, ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public ».

Ces limites se fondent notamment sur « la pratique administrative de l'autre Etat contractant » c'est-à-dire sur l'exigence d'une condition de réciprocité dans la nature des renseignements échangés. Elles se retrouvent dans le droit interne sous la forme de l'article R. 114 A. 2 du Livre des procédures fiscales.

Du point de vue français, le strict respect de la condition de réciprocité devrait être considéré comme essentiel, puisqu'il est imposé par les termes mêmes de l'article 55 de la Constitution qui en fait la condition de la supériorité des traités sur le droit interne. On sait que l'administration fiscale dispose dans notre pays de droits étendus, et notamment d'un accès total aux comptes bancaires des particuliers et des entreprises, couverts dans beaucoup d'autres pays par le secret bancaire. Or, il résulte d'informations concordantes qu'elle ne se prévaut pas dans un tel cas de la limitation tenant à la condition de réciprocité et qu'elle ne craint pas de transmettre éventuellement des documents bancaires à un pays qui, dans le cas inverse les lui aurait refusés.

5. - Pour que le contribuable en cause puisse le faire valoir en temps utile, et soit éventuellement en mesure de saisir une juridiction de son désaccord sur le principe de la transmission de telle ou telle information, il faudrait qu'il en soit averti au préalable. Or, ce n'est en France jamais le cas.

Comme dans la plupart des pays à l'exception notable des Pays-Bas et de l'Allemagne dans lesquels existe un processus d'information obligatoire (Droits et obligations des contribuables, OCDE 1990, p. 47 et 48), aucune règle n'impose à l'administration française d'avertir préalablement le contribuable dont les données vont être transmises à l'étranger.

En pratique, il n'a aucun moyen de le savoir puisque les informations sont recueillies selon les procédures du droit commun interne (Dossier fiscal du contribuable, droit de communication ou vérifica¬tion de comptabilité parfois mise en oeuvre spécialement à cette occasion auquel vient s'ajouter désormais le droit d'enquête régi par les nouveaux articles L. 80 F à L. 80 J du LPF institués par l'article 106 de la loi n. 92-677 du 17 juillet 1992 : JCP 92, éd. E, III, 65619) donc dans des conditions qui ne peuvent en rien éveiller son attention.

L'Administration se trouve donc seule maîtresse du respect des limitations prévues par les conventions ; le fait est d'autant plus regrettable que l'opérateur concerné est sûrement mieux placé que l'Administration pour juger si un renseignement est de nature à révéler un secret industriel ou commercial.

Force est donc de constater qu'en l'espèce, les droits de la défense sont en pratique inexistants.

B. — LA FRANCE PAYS REQUÉRANT

6. - La question est ici de savoir si l'Administration doit communiquer au contribuable les renseignements qu'elle a pu obtenir par la mise en oeuvre de l'Assistance Administrative.

On sait que le Conseil d'État a depuis plusieurs années déterminé les conditions dans lesquelles l'administration fiscale peut utiliser lors d'une procédure de redressement des renseignements obtenus auprès de tiers.

En l'absence de textes législatifs ou réglementaires, c'est aux termes d'une jurisprudence purement prétorienne qu'il a défini des principes qui peuvent à l'heure actuelle se résumer de la façon suivante : l'Administration est tenue d'informer le contribuable, avant l'établissement de l'imposition, de la teneur des renseignements qu'elle a recueillis dans l'exercice de son droit de communication auprès de tiers ; elle est tenue de lui communiquer les pièces si l'intéressé le demande (Cons. d'Etat 14 mai 1986, req. n. 59590 ; Dr. fisc. 1986, n. 40, comm. 1674 ; JCP 86, éd. E, II, 14830, concl. Racine ; — 9 juill. 1986, req. n. 30770 : Dr. fisc. 1986, n. 52, comm. 2393 ; JCP 87, éd. E, II, 14963, concl. Racine ; — 3 déc. 1990, req. n. 103101, SA Antipolia : RJF 2/91, n. 200).

7. - Pour appliquer cette jurisprudence, rendue en matière purement interne, aux renseignements obtenus par voie d'Assistance Administrative Internationale, l'administration fiscale française fait une interprétation subtile des différentes conventions.

Le modèle de Convention OCDE de 1977 décidé en son article 26 que « les renseignements obtenus... ne sont communiqués qu'aux personnes et autorités concernés par l'établissement ou le recouvrement des impôts visés par la Convention ».

Le rapport du Comité des affaires fiscales de l'OCDE (OCDE, 1977) en déduit fort logiquement qu'« il s'ensuit que les renseignements peuvent aussi être communiqués au contribuable, à son représentant ». Rien ne s'oppose donc en principe à l'application de la jurisprudence du Conseil d'Etat dans le cas des conventions conformes à ce modèle.

Cependant, la majorité des conventions est encore sur ce point plus proche du modèle OCDE 1963 qui n'autorise la communication des renseignements obtenus qu'aux personnes « chargées » (et non pas « concernées ») par l'établissement de l'impôt.

Dans ce cas, l'administration française ne s'estime pas autorisée à transmettre au contribuable les renseignements qu'elle utilise à son encontre.

La situation devient franchement paradoxale lorsqu'il s'agit d'appliquer certaines conventions comme celle conclue entre la France et les Etats-Unis qui autorisent la communication aux personnes « chargées » de l'établissement de l'impôt « y compris les tribunaux ». Pourrait-on en déduire que contrairement aux règles de la procédure judiciaire, des renseignements pourraient être utilisés par l'Administration devant les tribunaux sans être pour autant communiqués au contribuable en cause ?

A deux reprises, les tribunaux français ont confirmé la doctrine restrictive de l'Administration et approuvé son refus de communiquer au contribuable des renseignements obtenus dans le cadre de la convention franco-américaine (Trib. adm. Paris 29 nov. 1988, Rohan, inédit) et franco-allemande (Trib. adm. Nice 10 avril 1990, Mehlber, inédit ).

8. - Evidemment contestables sur le plan de leurs conséquences sur le caractère contradictoire du débat, ces jugements nous paraissent largement discutables en droit.

On pourrait imaginer d'invoquer les principes du « procès équitable » fixés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, mais l'incertitude qui subsiste quant à l'application de ces dispositions au droit fiscal, et l'imprécision de cette notion nous conduisent à donner la préférence aux règles de droit interne.

Dans les deux instances, les contribuables avaient cru pouvoir se fonder sur les dispositions de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 sur les relations entre l'Administration et le public. C'est donc de façon a priori fondée que l'Administration a pudeur opposer les termes des conventions et l'autorité supérieure à celle de la loi interne que leur accorde l'article 55 de la Constitution.

Cependant, ce n'est jamais sur la loi du 17 juillet 1978 que le Conseil d'Etat a fondé sa jurisprudence sur la communication au contribuable de renseignements obtenus auprès de tiers. Bien qu'il ne l'ait pas indiqué expressément, il ne fait aucun doute que les droits qu'il a reconnus en l'espèce en faveur des contribuables trouvent leur origine dans le principe général du respect du contradictoire et des droits de la défense.

Or, il s'agit là aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel d'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République auxquels le préambule de la Constitution de 1946 repris par la Constitution de 1958 donne valeur constitutionnelle. Et l'article 55 de la Constitution n'accorde aux traités internationaux de supériorité que sur la loi, et naturellement pas sur la Constitution et les principes ayant valeur constitutionnelle.

M. Michel Rocard, alors Premier ministre, l'a d'ailleurs précisé dans une réponse à une question écrite de M. Xavier Deniau : « Les traités occupent, dans la hiérarchie des normes juridiques françaises, un rang inférieur à celui de la Constitution », et la suite de la réponse y assimile tout « principe ayant valeur constitutionnelle » (JO AN [QI, 8 mai 1989, n. 12073, p. 2120).

Le principe constitutionnel de respect des droits de la défense et du contradictoire nous paraît donc imposer la communication au contribuable des renseignements utilisés à son encontre, même lorsque la convention internationale qui a permis de"les obtenir paraît s'y opposer.

On pourrait ajouter que dans le cas des échanges de rensei¬gnements internes à la CEE, la directive du Conseil du 19 décembre 1977 concernant « l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs » prévoit que les informations échangées « ne sont accessibles qu'aux personnes directement concernées par l'établissement de l'impôt », incluant donc le contribuable.

Il y a sur ce point contradiction entre la convention bilaté¬rale franco-allemande et la directive communautaire, et un recours en manquement pourrait être exercé devant la Cour de Justice des Communautés.

Notons que dans les deux cas soumis aux tribunaux, le problème avait été soulevé en cours de procédure fiscale, après un avis négatif rendu par la Commission d'accès aux documents administratifs.

Le problème pourrait également être soulevé au cours du contentieux fiscal proprement dit. Dans une telle hypothèse, le défaut de communication de documents obtenus auprès de tiers pourrait entraîner la nullité de la procédure fiscale. C'est l'occasion de constater que la position de l'Administration n'est guère plus confortable que celle du contribuable. En s'en tenant à la lettre des conventions, elle risque la nullité de sa procédure, mais si, à l'inverse, elle communique des éléments considérés comme secrets, elle s'expose à se voir reprocher une violation du secret professionnel, théoriquement sanctionnée pour les agents en cause par l'article 378 du Code pénal...

9. - La position des contribuables — et de leurs conseils — peut être difficile lorsque l'Administration utilise des renseignements obtenus par la voie de l'Assistance Administrative et refuse de les communiquer ; il est évident qu'il n'y a pas de défense, ni même de dialogue réel, lorsque les éléments qu'on vous oppose ne vous sont pas connus.

La situation est compliquée par le fait qu'en matière de fiscalité internationale, l'Administration tend à mettre systématiquement en doute l'authenticité des éléments provenant de l'étranger et versés aux débats par le contribuable tant qu'elle n'a pas pu les faire contrôler par le moyen de l'Assistance Administrative ; or, elle ne se prive nullement du droit qui est celui de tout plaideur de ne pas faire état des éléments qui pourraient contredire ses thèses (A notre connaissance, la question de la légitimité d'une telle retenue d'informations par l'Administration n'a jamais été examinée par le Conseil d'État ; statuant en matière de fraude fiscale, une cour d'appel a considéré que de tels documents « auraient dû être communiqués » tout en vidant de toute portée ce principe car exigeant du contribuable pour en tirer des conséquences sur la régularité de la procédure la preuve de ce que ces éléments auraient pu lui être effectivement utiles, preuve impossible pour des documents dont précisément il se plaignait de ne pas disposer : Bordeaux 7 juin 1989, Miailhe, confirmé par Cass. crim. 18 mars 1991, inédits).

L'Assistance Administrative est en cette matière un moyen d'information privilégié, et l'équilibre idéal de la procédure voudrait que le contribuable ait accès à tous les éléments à charge et à décharge qu'elle apporte.

Le respect minimum des droits de la défense exigerait qu'il ait au moins connaissance des éléments qui lui sont opposés, et la hiérarchie des normes juridiques du droit français parait l'autoriser.

10. - En matière de TVA intracommunautaire, la Commission semble avoir voulu éviter toute ambiguïté. C'est un règlement (Règlement 218/92/CEE, 27 janv. 1992 : JOCE 1er fév. 1992, L 2411) qui en a fixé les modalités sans laisser de marge d'interprétation aux Etats membres contrairement à la directive qui existait en matière d'impôts directs. Il prévoit en son article 9 que les renseignements pourront être communiqués à toutes les personnes « directement concernées ». Le contribuable n'en sera donc pas écarté.

Cette disposition s'imposait compte tenu de l'importance que revêtiront ces échanges dans un proche avenir. Elle permet de constater en ce domaine une évolution positive dont il reste à souhaiter qu'elle soit dans l'avenir suivie par la jurisprudence et la pratique fiscale françaises.

Le droit douanier, symbole de l’ambivalence de la Cour de cassation


Cass. Com. 6 et 20 novembre 2007
Fabien FOUCAULT


A quinze jours d’intervalle, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts tout à fait opposés dans leur esprit.

Le 6 novembre 2007, elle a fait une application stricte des textes internationaux prévoyant la coopération administrative entre Etats alors que le 20 novembre suivant, elle a rendu un arrêt innovant pour permettre à un opérateur d’opposer à l’Administration un projet de décision individuelle différent de la décision définitive.

1. D’une application particulièrement stricte des textes ...

1- Dans son arrêt du 6 novembre 2007 , la Cour de cassation a jugé :

« Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours de l'année 1996, la société Amaryllis a importé en France des produits textiles originaires de Syrie, qui ont été pour partie déclarés en douanes par la société SGS Holding France (la société SGS) ; que des certificats d'origine préférentielle EUR 1, visés par les autorités syriennes, ont été produits à l'appui des déclarations afin de bénéficier d'une exonération de droits de douanes en application de l'accord préférentiel bilatéral CEE-Syrie ; qu'à la suite d'une enquête menée en Syrie par les services de la Commission européenne, les autorités douanières syriennes ont, à la demande de cette dernière, invalidé, le 18 octobre 2000, ces certificats ; qu'en conséquence, l'administration des douanes françaises a, le 11 septembre 2001, notifié à la société SGS un procès-verbal d'infraction correspondant à dix-sept déclarations en douane établies par la société SGS à destination de la société Amaryllis, puis, le 31 juillet 2003, a émis un avis de mise en recouvrement de la somme estimée due ; que contestant cet avis, en se prévalant d'une lettre du 5 août 2001, par laquelle l'administration des douanes syriennes serait revenue sur l'invalidation des certificats litigieux, la société SGS a formé un recours en annulation de la décision par laquelle l'administration douanière française a rejeté sa contestation, et de l'avis de mise en recouvrement ;

Attendu que pour retenir que la lettre du 5 août 2001 constitue une démarche officielle d'Etat à Etat, effectuée conformément à la procédure prévue par le protocole n° 2, de sorte que cette lettre est propre à établir que les autorités syriennes sont revenues sur leur précédente décision d'invalidation des certificats litigieux, l'arrêt constate que cette lettre a été adressée sous pli cacheté à l'avocat de la société Amaryllis qui ne l'a pas ouverte et l'a envoyée par pli recommandé avec avis de réception aux douanes françaises et qu'elle a été adressée par le directeur général des douanes syriennes, revêtue de leur tampon officiel, non à la société Amaryllis, mais à la direction des douanes françaises ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que cette lettre répondait à une demande d'éclaircissements émanant des autorités douanières françaises, conformément à la procédure de coopération administrative prévue pour contrôler l'authenticité des certificats de circulation des marchandises EUR 1 et l'exactitude des renseignements relatifs à l'origine réelle des produits en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ».

2- Selon la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés Européennes (ci-après « CJCE ») sur les certificats d’origine, l’Etat importateur a, l’obligation de solliciter de l’Etat exportateur qu’il effectue un contrôle a posteriori dans le cadre de la coopération administrative .

La détermination de l'origine des marchandises est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités douanières des parties à l'accord, en ce sens que l'origine est établie par les autorités de l'Etat d'exportation, le contrôle du fonctionnement de ce régime étant assuré grâce à la coopération entre les administrations intéressées .

Ce système de coopération et d’assistance mutuelle est fondé sur la confiance que doivent avoir entre elles les autorités compétentes de la Communauté et de l’Etat tiers et sur le fait que les accords internationaux sont établis sur les bases d’obligations réciproques qui placent les partenaires sur un pied d’égalité dans les échanges mutuels .

Ce système de demande de contrôle se justifie par le fait que les autorités de l'État d'exportation sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l'origine.

Le système ne peut donc fonctionner que si l’administration douanière de l’État d’importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’État d’exportation, et les autorités de l’État d’importation doivent accepter la validité des certificats d’origine .

Les certificats régulièrement délivrés par les autorités de l’État d’exportation restent donc valides et produisent les effets prévus par le protocole, tant qu’ils n’ont pas été révoqués ou annulés par les autorités compétentes, administratives ou judiciaires dudit État.

En l’espèce, l’Etat d’exportation avait invalidé les certificats d’origine et l’Etat d’importation était donc bien en droit de remettre en cause le bénéfice du régime préférentiel.

Le souci est qu’ensuite, l’Etat d’exportation était revenu en arrière et avait finalement considéré que les certificats étaient parfaitement valides.

3- Il ne faut pas oublier que le droit douanier est avant tout un droit communautaire très pragmatique fondé sur les principes de proportionnalité et d’effectivité, qui interdisent que des droits soient réclamés lorsqu’ils ne sont pas dus. La jurisprudence a consacré ces principes à de nombreuses reprises.

Le Tribunal de Première Instance des Communautés (ci-après « TPICE ») a par exemple rappelé qu’en vertu du principe de proportionnalité, la légalité d'une réglementation communautaire est subordonnée à la condition que les moyens qu'elle met en oeuvre soient aptes à réaliser l'objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante .

4- Il a également considéré dans une affaire Starway que les institutions communautaires ne peuvent pas exiger des certificats d'origine à l'exclusion de tout autre moyen de preuve, lorsqu'elles savent ou doivent savoir que certains opérateurs concernés sont dans l'impossibilité de produire de tels certificats, sans que cette impossibilité leur soit imputable. En effet, dans ces circonstances spécifiques, une telle exigence serait contraire aux principes de sécurité juridique et du respect des droits de la défense, pour autant qu'elle rend impossible, dans un contentieux susceptible d'entraîner l'imposition d'une charge pécuniaire, la preuve de l'inapplicabilité d'une telle charge. Dans de telles circonstances spécifiques, le refus d'autres éléments de preuve équivaut, en effet, à dénier au défendeur le droit de produire des documents à décharge.

Dans cette affaire Starway, la juridiction communautaire a donc accepté, pour faire respecter les principes de proportionnalité et d’effectivité du droit communautaire, la communication par l’opérateur des documents a posteriori pour justifier son droit à l’exonération.

Conformément à ces principes, les droits ne devraient pas être réclamés lorsqu’ils ne sont pas dus, ce que rappelle d’ailleurs la Commission européenne sur son site internet :

« Les États membres sont responsables de la mise en œuvre de la législation douanière communautaire et de l'exécution d'un ensemble de contrôles douaniers visant à garantir qu'ils perçoivent en temps utile les montants corrects de droits des douanes et de droits agricoles. »

On aurait donc pu raisonnablement penser que puisque les douanes syriennes avaient finalement considéré que les certificats étaient valides, l‘opérateur pouvait bénéficier de l’origine préférentielle et donc de droits de douane réduits.

La Cour de cassation ne s’est pas engagée dans cette voie contrairement à la Cour d’appel, en considérant que la lettre des douanes syriennes ne pouvait pas être considérée comme répondant aux conditions de coopération administrative prévue par la convention internationale au motif qu’elle avait été adressée à l’avocat de l’opérateur bien qu’elle mentionnait comme destinataire les douanes françaises.

A en croire le dispositif, si la lettre avait été adressée aux douanes françaises, la décision aurait été tout autre.

Mais peut être n’y aurait-il pas eu « d’autre ». L’opérateur n’aurait peut-être jamais su que les douanes syriennes s’étaient dédites. Il faut savoir que lorsqu’un Etat importateur questionne a posteriori un Etat exportateur et qu’il confirme la validité des certificats, l’opérateur n’en est que très rarement informé. Puisqu’en l’espèce, l’Etat importateur avait déjà eu une réponse d’invalidation et qu’il avait donc l’élément primordial pour remettre en cause les opérations, il n’aurait peut être pas été enclin à révéler le courrier des douanes syriennes.

La jurisprudence Starway a justement pour objectif de protéger les droits de la défense puisqu’elle permet à l’opérateur d’apporter à tout moment tout élément permettant de lui donner gain de cause.

La douane syrienne, en adressant directement à l’opérateur son courrier, favorisait (volontairement ou non) les droits de la défense de l’opérateur, ce que sanctionne la Cour.

Cet arrêt démontre combien le droit peut être inique et contraire aux propres intérêts des opérateurs communautaires et donc de la Communauté.

5- En faisant bénéficier certaines importations de droits réduits, la Communauté favorise les fabricants étrangers au détriment des fabricants communautaires, ce qui n’est pas particulièrement pour lutter contre la mondialisation tellement décriée par certains.

Mais ensuite, lorsque l’origine préférentielle est remise en cause, on sanctionne non pas le fabricant étranger mais l’importateur communautaire en lui infligeant non seulement les droits de douane mais encore des amendes qui peuvent être très lourdes lorsque l’opérateur est poursuivi pénalement (une fausse déclaration d’origine est pénalement réprimée par une amende comprise entre une à deux fois la valeur en douane et il sera le plus souvent contraint d’accepter de verser une amende transactionnelle discrétionnairement évaluée par l’Administration des douanes).

Les Etats étrangers ont parfaitement compris que ces accords étaient doublement bénéfiques pour eux, puisqu’ils favorisent leurs emplois et que leurs entreprises ne courent aucun risque si le régime est ensuite remis en cause.

Les Etats étrangers n’hésitent donc pas à délivrer des certificats d’origine puis ensuite à affirmer que les certificats sont invalides lorsque les autorités douanières des Etats membres de la Communauté européenne le leur demande. Il est en effet plus opportun pour ces Etats de courber l’échine face à la Communauté que de tenter la moindre opposition qui risquerait d’entraîner des difficultés dans leurs relations étatiques.

Il est suffisamment rare qu’un Etat étranger revienne ensuite sur son invalidation pour relever la performance de l’opérateur dans ce dossier. Il a cependant été trop performant puisque cette invalidation lui a été remise au lieu d’être adressée à la douane française et c’est ce qui lui a porté préjudice. Il aurait certainement mieux fait d’intervenir avant l’invalidation.

6- Cette décision de la Cour de cassation montre une fois de plus que seuls les Etats étrangers mais peu d’acteurs de la Communauté (en tout cas ni les législateurs, ni les administrations des douanes, ni les juges) ont compris la double iniquité de cette réglementation pour les entreprises de l’Union Européenne.

Si les juges n’ont pas la possibilité de prendre position sur la mondialisation, peut être pourraient-ils en tout cas interpréter la remise en cause de l’origine préférentielle dans un sens plus favorable aux entreprises communautaires.

Cet arrêt semble d’autant plus contestable que très peu de temps après, la Cour de Cassation a rendu un arrêt particulièrement innovant et remarquable.

2. …à une création jurisprudentielle particulièrement innovante

7- Dans un arrêt du 20 novembre 2007 , la Cour de cassation a considéré :

« Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue l'un des principes fondamentaux de la Communauté, s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dont il ressort que l'administration, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C 104/97 P et du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C-37/02 et C-38/02) ; qu'ayant relevé que, pendant la longue période d'instruction de la demande, d'une durée de dix-huit mois, le bureau des douanes a accepté sans aucune restriction la poursuite du régime du perfectionnement actif sous la forme du système de rembours et que l'administration des douanes a adressé à la société, les 3 juillet et 7 août 2001, des "projets d'autorisation" prévoyant expressément la rétroactivité du régime douanier au jour de la demande, ce dont il résultait qu'au cours de la période litigieuse, l'administration des douanes avait eu à l'égard de la société une attitude dépourvue d'équivoque sur les suites qu'elle réserverait à sa demande d'autorisation et quant à son intention de ne pas opposer à la société la méconnaissance des conditions d'application du régime douanier qu'elle lui avait antérieurement reprochée, de sorte qu'à supposer même que la délivrance d'une autorisation rétroactive relève du pouvoir discrétionnaire de l'administration, celle-ci pouvait être considérée comme ayant fait naître chez la société des espérances fondées, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, a pu décider que la société Chevron Oronite était admise à se prévaloir du principe de confiance légitime ».

8- La Cour de cassation consacre par cet arrêt, le principe de confiance légitime pour opposer à l’Administration des douanes l’engagement qu’elle avait pris dans le cadre de la procédure d’autorisation et de mise en place d’un régime douanier spécifique, de l’appliquer rétroactivement.

C’est la première fois que la Cour de cassation utilise le principe de confiance légitime pour opposer à l’Administration ses prises de position. Et par ce principe, elle permet de combler le vide laissé par des textes trop conditionnels.

9- En matière fiscale nous connaissons deux types de garantie permettant d’opposer à l’Administration fiscale ses prises de position :

- l’article L. 80 A du Livre des Procédures Fiscales (ci-après « LPF ») qui prévoit que les prises de position officielles de l'administration, en matière de régime d'imposition (par ses instructions, réponses ministérielles …), lui sont opposables par un contribuable ;

- l'article L. 80 B du LPF définit, pour sa part, le régime du rescrit fiscal, permettant au contribuable d'étendre la garantie contre les revirements de l'administration, dans les cas où celui-ci a obtenu d'elle une position formelle sur l'appréciation de sa situation de fait au regard d’un texte fiscal.

Des garanties équivalentes ont été créées par l’ordonnance du 7 décembre 2005 insérant un article 345 bis au Code des douanes vis-à-vis de l’Administration des douanes mais uniquement pour ses prises de position en matière fiscale .

Si la Cour de cassation avait été saisie d’un litige semblable non pas en matière douanière mais en matière fiscale, les articles L 80 A et B du LPF ou 345 du Code des douanes n’auraient pas pu être invoqués.

Le Conseil d’Etat considère que les renseignements et engagements verbaux sont susceptibles d’être opposables à l’Administration et l’on peut penser quee si la Cour de cassation était saisi d’une telle question, elle considérerait qu’une prise de position dans le cadre d’une négociation sur la mise en place d’un régime de taxation particulier est une prise de position formelle.

Cependant, l’article L 80 B du LPF comporte une seconde condition : il faut que ces renseignements ou engagements comportent non seulement une appréciation de la situation du contribuable mais encore que cette appréciation le soit au regard d’un texte fiscal.

Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation considèrent en effet que si l’Administration s’est contentée de faire une appréciation de la situation du contribuable sans réaliser une interprétation formelle du texte fiscal, il ne peut bénéficier des garanties de l’article L. 80 B du LPF .

Or, en l’espèce, l’Administration des douanes n’avait pas interprété un texte mais s’était simplement engagée à appliquer une disposition particulière prévue par le texte. Il n’y avait donc aucune interprétation.

10- En matière purement douanière, pour l’application des textes douaniers qui sont avant tout communautaires, il n’existe pas véritablement de dispositions permettant d’opposer à l’Administration sa doctrine ou ses prises de positions.

Comme récemment souligné par un de nos confrère dans un récent article , en matière douanière, l’article 220-2-b du Code des douanes communautaire peut être utilisé. Il convient de rappeler que cet article dispose qu’il n’y pas lieu à recouvrement a posteriori de droits légalement dus lorsque leur montant n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi.

En l’espèce, il semble que les conditions de cet article auraient été difficiles à remplir et c’est sans doute la raison pour laquelle la société ne semble pas les avoir invoquées.

En effet, en l’absence de prise de position sur l’interprétation d’un texte et parce que la douane disposait d’un pouvoir discrétionnaire, il était difficile de reprocher la moindre erreur à la douane.

La Cour de cassation semble pourtant s’être inspirée de la jurisprudence relative à l’article 220-2-b.

La Cour prend ainsi le soin de reprendre les termes de la Cour d’appel qui avait relevé :

« pendant la longue période d'instruction de la demande, d'une durée de dix-huit mois, le bureau des douanes a accepté sans aucune restriction la poursuite du régime du perfectionnement actif sous la forme du système de rembours ».

11- Cette motivation est tout à fait conforme à la jurisprudence de la CJCE telle que consacrée dans l’affaire Hewlett Packard et dans l’affaire TOP HIT .

Pour interpréter le principe de confiance légitime, la Cour de cassation a donc fait siennes certaines notions dégagées par les juridictions communautaires relativement à l’article 220-2-b du CDC.

Et cela est d’ailleurs tout à fait logique puisque l’article 220-2-b du Code des Douanes Communautaire et le principe de confiance légitime relèvent du même esprit : laisser croire à l’autre partie et la conforter dans sa croyance erronée.

La CJCE a très souvent relié ses deux notions en considérant que :

« l’article 220-2-b a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer les droits de douane ou non » .

La Cour de cassation avait déjà fait ce rapprochement en 2002 mais pour rejeter l’application de l’article 220-2-b du Code des Douanes Communautaire relativement à des certificats d’origine invalidés .

Le principe de confiance légitime est cependant une clause d’équité plus large qui n’est soumise à aucune condition contrairement à l’article 220-2-b du CDC.

Ce principe de confiance légitime est un principe général du droit communautaire prévu par l’article 6 du Traité de l’Union Européenne. Tout principe général du droit est issu d’une création jurisprudentielle et permet donc aux juridictions des interprétations larges.

Jusqu’à présent, les praticiens avaient plusieurs fois tentés d’obtenir gain de cause devant la Cour de cassation en avançant les principes de sécurité juridique et de confiance légitime dans des cas très différents de la présente espèce mais sauf erreur sans succès.

12- Par cette décision, la Cour de cassation engage une véritable création jurisprudentielle puisque non seulement elle n’utilise pas de textes pour donner gain de cause à l’opérateur, mais encore, elle va bien au-delà des principes jurisprudentielles dégagées par les juridictions administratives et judiciaires sur l’opposabilité de la doctrine et des actes de l’Administration prévue par les articles L 80 A et L80 B du LPF, mais également de l’article 220-2-b du Code des Douanes Communautaire.

Cette décision est remarquable et innovante. Elle doit être considérée comme une décision de principe qui devrait avoir de grandes répercussions sur le droit douanier en espérant qu’elle permettra de mettre fin aux nombreux archaïsmes de ce droit.

Elle devrait également pouvoir être invoquée dans d’autres matières comme par exemple en matière fiscale avec plus de succès.

Conclusion

13- Si l’on se permet de critiquer la première décision et d’encenser la seconde, c’est parce qu’un avocat, auxiliaire de justice et défenseur du principe du contradictoire et de l’équité, souhaite que le droit soit toujours plus juste, équitable et moderne. Ce souhait est autant vif pour le droit douanier qui a besoin d’efforts constants pour sortir de son archaïsme. Mais peut être est-ce également l’opinion de la Cour de cassation puisqu’elle publie au bulletin sa seconde décision contrairement à la première ?

Espérons que la publication au bulletin de cet arrêt du 20 novembre 2007 et la présente étude permettront à de nombreux praticiens, non seulement dans la matière douanière mais également dans beaucoup d’autres comme le droit fiscal, d’utiliser le principe fondamental de protection de la confiance légitime à l’égard des différentes administrations.

Classement tarifaire d’un caméscope


JCP E, n°5 du 31 janvier 2008
Note Fabrice Goguel et Fabien Foucault


Un caméscope ne peut être classé dans la sous-position 8525 40 99 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement modifié n° 2658/87/CEE du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, que si la fonction d’enregistrement des images et des sons provenant de sources autres que la caméra ou le micro intégrés est active au moment du dédouanement, ou si, même lorsque le fabricant n’a pas entendu mettre en avant cette caractéristique, ladite fonction peut être activée postérieurement à ce moment par une manipulation aisée de l’appareil par un utilisateur ne disposant pas de compétences particulières, sans que le caméscope subisse de modification matérielle. Dans le cas d’une activation postérieure, il est également nécessaire, d’une part, que, une fois l’activation réalisée, le caméscope ait un fonctionnement analogue à celui d’un autre caméscope dont la fonction d’enregistrement des images et des sons provenant de sources autres que la caméra ou le micro intégrés est active au moment du dédouanement et, d’autre part, qu’il ait un fonctionnement autonome. L’existence de ces conditions doit pouvoir être vérifiée au moment du dédouanement. Il appartient au juge national d’apprécier si ces conditions sont remplies. Si ces conditions ne sont pas remplies, ce caméscope doit être classé dans la sous-position 8525 40 91 de la nomenclature combinée.

CJCE, 3e ch., 27 sept. 2007, aff. C-208/06, Medion AG c/ Hauptzollamt Duisburg et aff. C-209/06 Canon Deutschland GmbH c/ Hauptzollamt Krefeld

LA COUR (...) :

12. Medion et Canon ont importé en Allemagne des caméscopes numériques équipés d’une « interface IEEE 1394 » qui permet le transfert de données numériques. Ces appareils sont équipés d’un menu composé d’une série de touches et d’un petit écran couleur « LCD ».

13. Il ressort des descriptifs de ces produits et de leurs notices d’utilisation que l’acheteur a le choix entre visionner les enregistrements vidéo réalisés grâce à la caméra sur l’écran couleur « LCD » ou les transférer, au moyen de câbles adéquats, sur d’autres appareils, par exemple un téléviseur, qui offrent une image beaucoup plus grande et de meilleure qualité. Cette fonction est couramment désignée par les termes « DV-out ».

14. Certains autres caméscopes disposent de la possibilité de recevoir des données depuis d’autres appareils, les caméscopes étant alors utilisés comme des magnétoscopes pour enregistrer des séquences numériques provenant d’un ordinateur, par exemple un montage vidéo. Cette fonction, couramment appelée « DV-in », n’a pas été évoquée par Medion et Canon lors de l’importation des caméscopes en cause au principal.

15. Par ailleurs, ni les fabricants desdits caméscopes ni Medion et Canon ne proposaient, dans les descriptifs de ces caméscopes ou dans leurs notices d’utilisation, d’activer postérieurement une fonction DV-in ou de permettre à des tiers d’effectuer cette activation. En revanche, les deux sociétés ont importé auxmêmespériodes des caméscopes pour lesquels il était clairement précisé qu’ils possèdent la fonction DV-in. (...)

33. Il résulte du libellé des questions, qu’il convient de traiter ensemble, que la juridiction de renvoi demande, en substance, si, pour la classification des caméscopes, il peut ou il doit être pris en compte la possibilité d’activer la fonction DV-in si cette activation n’a pas été réalisée au moment du dédouanement, mais si elle peut l’être postérieurement par une manipulation ou par l’ajout d’un logiciel. Elle s’interroge, en outre, sur l’importance que peut avoir le fait pour le fabricant de n’avoir ni signalé ni cautionné ladite possibilité au moment du dédouanement.

34. Il convient, tout d’abord, de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (V., notamment, arrêts du 26 septembre 2000, Eru Portuguesa, C-42/99, Rec. p. I-7691, point 13 ; du 16 février 2006, Proxxon, C-500/04, Rec. p. I-1545, point 21 ; et du 15 février 2007, RUMA, C-183/06, non encore publié au Recueil, point 27).

35. À cet égard, il est sans incidence que le fabricant du produit ait entendu ou non mettre en avant une certaine caractéristique dudit produit.

36. Par ailleurs, la Cour a jugé que le critère décisif pour la classification douanière des marchandises dans la NC doit être recherché dans les caractéristiques et propriétés objectives des produits, tels qu’ils sont présentés en vue de leur dédouanement (V. arrêts du 17 mars 1983, Dinter, 175/82, Rec. p. 969, point 10 ; et du 27 mai 1993, Gausepohl-Fleisch, C-33/92, Rec. p. I-3047, point 9). Ces caractéristiques et propriétés objectives des produits doivent pouvoir être vérifiées au moment du dédouanement (V., en ce sens, arrêts du 8 février 1990, van de Kolk, C-233/88, Rec. p. I-265, point 12 ; du 12 décembre 1996, Foods Import, C-38/95, Rec. p. I-6543, point 17 ; et du 13 juillet 2006, Anagram International, C-14/05, Rec. p. I-6763, point 26).

37. En outre, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci (V. arrêts du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic, C-459/93, Rec. p. I-1381, point 13 ; et du 11 janvier 2007, B. A. S. Trucks, C-400/05, non encore publié au Recueil, point 29).

38. Enfin, la Cour a jugé qu’il ressort de l’article 2, sous a), des règles générales pour l’interprétation de la NC que, aux fins de la classification tarifaire, un produit incomplet ou non fini doit être assimilé à un produit complet ou fini à la condition qu’il en présente les caractéristiques essentielles (V. arrêt du 9 février 1999, ROSE Elektrotechnic, C-280/97, Rec. p. I-689, point 18). La partie du produit doit être suffisamment grande ou importante pour conférer au produit sa caractéristique essentielle (V. en ce sens, arrêts du 5 octobre 1994, Voogd Vleesimport en export BV, C-151/93, Rec. p. I-4915, point 20 ; et du 15 décembre 1994, GoldStar Europe, C-401/93, Rec. p. I-5587, points 26 à 28).

39. Il résulte des notes explicatives que ce qui différencie les caméscopes relevant de la sous-position 8525 40 91 de ceux relevant de la sous-position 8525 40 99, c’est la capacité que ces derniers ont, outre d’enregistrer des sons et des images par l’intermédiaire de la caméra ou du micro intégrés, de pouvoir enregistrer les mêmes éléments lorsque ceux-ci proviennent de sources autres que ladite caméra ou dudit micro. La caractéristique essentielle d’un caméscope relevant de la sous-position 8525 40 99 est donc, notamment, la fonction DV-in, c’est-à-dire sa capacité à enregistrer des sources vidéophoniques extérieures.

40. Cette capacité peut être accessible directement par l’utilisateur lorsque le fabricant a prévu l’activation facile de la fonction DV-in, cette activation étant expliquée dans le manuel d’utilisation fourni à l’acheteur de l’appareil. Si la procédure ne figure pas dans ledit manuel, il est nécessaire, pour que la fonction DV-in puisse constituer la caractéristique essentielle du caméscope, que la manipulation puisse être aisément effectuée par un utilisateur ne disposant pas de compétences particulières sans que le caméscope subisse de modification matérielle. Il est donc indispensable que les caméscopes disposent avant l’activation de la fonction DV-in d’une structure contenant l’essentiel des caractéristiques de ladite fonction et que les éléments lui permettant d’être active ne fassent pas l’objet d’un apport de matériel extérieur.

41. Par ailleurs, pour que le caméscope puisse être classé dans la sousposition 8525 40 99, il est nécessaire, lorsque la manipulation a été effectuée et que la fonction DV-in est activée, que le caméscope ait un fonctionnement analogue à celui d’un autre caméscope expressément conçu pour la fonction DV-in. En particulier, il est nécessaire que ce caméscope puisse, à l’instar de ce dernier, être utilisé pour l’enregistrement de sources vidéophoniques extérieures, de manière autonome et sans dépendre de matériels ou de logiciels externes. (...)

44. Il convient, par conséquent, de répondre aux questions posées qu’un caméscope ne peut être classé dans la sous-position 8525 40 99 de la NC que si la fonction d’enregistrement des images et des sons provenant de sources autres que la caméra ou le micro intégrés est active au moment du dédouanement ou si, même lorsque le fabricant n’a pas entendu mettre en avant cette caractéristique, ladite fonction peut être activée postérieurement à ce moment par une manipulation aisée de l’appareil par un utilisateur ne disposant pas de compétences particulières, sans que le caméscope subisse de modification matérielle. Dans le cas d’une activation postérieure, il est également nécessaire, d’une part, que, une fois l’activation réalisée, le caméscope ait un fonctionnement analogue à celui d’un autre caméscope dont la fonction d’enregistrement des images et des sons provenant de sources autres que la caméra ou le micro intégrés est active au moment du dédouanement et, d’autre part, qu’il ait un fonctionnement autonome. L’existence de ces conditions doit pouvoir être vérifiée au moment du dédouanement. Il appartient au juge national d’apprécier si ces conditions sont remplies. Si ces conditions ne sont pas remplies, ce caméscope doit être classé dans la sous-position 8525 40 91 de la nomenclature combinée. (...)

NOTE

La décision ci-dessus n’a donné lieu à aucun communiqué à la presse ; elle a été prononcée sans conclusions d’un avocat général, ce qui signifie, en principe, qu’ellene soulevait aucune question de droit nouvelle.

Elle est donc supposée être un arrêt d’espèce, sans importance particulière dans la jurisprudence de la cour. Est-ce la marque d’un désintérêt de la cour pour les questions de classement tarifaire douanier ? Ou plus subtilement souci de discrétion sur une décision qui, sans vouloir l’avouer, s’éloigne de façon impressionnante des principes posés par la Cour pour le classement des marchandises ?

L’évolution des techniques et l’imagination des industriels sont sans fin, et posent des questions de classement toujours nouvelles (V. Le classement tarifaire des appareils à fonctions multiples : Rev. Affaires européennes 2005/4, p. 615 s.).

À l’intention des non spécialistes, nous résumerons très brièvement le cadre juridique applicable.

Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, généralement dénommé « système harmonisé » ou « SH », régi par la « Convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises » est une nomenclature internationale élaborée par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Il comprend environ 5 000 groupes de marchandises, identifiés par un code à six chiffres et est utilisé par plus de 190 pays.

La nomenclature combinée (NC) (Cons. CE, règl. (CEE) n° 2658/87, 23 juill. 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun) applicable aux marchandises faisant l’objet d’opérations d’importation ou d’exportation dans la Communauté est basée sur le système harmonisé auquel elle est identique pour ce qui est des positions et des sous-positions à six chiffres ; seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions lui sont propres.

Le système harmonisé, comme la nomenclature combinée, est divisé en sections et en chapitres, chaque section et chaque chapitre contenant des notes qui précisent le champ d’application des positions et sous positions tarifaires.

Les « règles générales d’interprétation », figurant en préalable à la nomenclature proprement dite précisent les principes selon lesquels doit être effectué le classement des marchandises.

L’OMD publie régulièrement des « notes explicatives du système harmonisé ».De même, aux fins d’assurer l’application de la nomenclature combinée, la Commission élabore des notes explicatives de la nomenclature combinée publiées régulièrement au Journal officiel.

Le problème ici soumis à la cour découle d’une bizarrerie de la NC. Alors que le SH classe tous les caméscopes à la même position (SH 8525 40), la NC distingue selon qu’ils sont ou non capables d’enregistrer des signaux provenant d’un appareil extérieur. Et la différence est financièrement importante, puisque les caméscopes qui n’ont pas cette capacité (NC 8525 40 91) (dits DV-OUT) sont taxés à 4,9 % alors que les autres (dits DV-IN/OUT) (NC 8525 40 99) sont taxés à 14 %.

Dès lors qu’une large partie de la clientèle n’avait pas besoin de la fonction DV-IN, ou au moins préférait payer moins cher et s’en passer, les industriels ont commercialisé deux types de produits, dotés ou non de cette fonction. Mais la différence, dans la plupart des cas, ne tenait pas au matériel proprement dit (hardware), mais au logiciel intégré à l’appareil (software). Certes, le client n’a normalement pas accès à ce software qui est intégré à l’appareil (embedded), et, en principe, il ne peut pas le modifier.Mais chacun sait qu’en informatique, le seul faitqu’uneopération soit interdite suffit à exciter l’imagination des hackers. Et on a donc vu proposer sur le marché des procédés de transformation destinés à transformer les caméscopes DV-OUT en DV-IN/OUT, soit sous forme de logiciels, àmettre en oeuvre à partir d’un ordinateur, soit sous forme de matériels spécifiques à connecter aux caméscopes pour transformer leur logiciel (widgets).

Rien ne permet de penser que ces procédés aient connu un grand développement, mais ils ont suffi à exciter l’irritation des spécialistes du classement tarifaire de la Commission européenne.Celle-ci a publié, le 6 juillet 2001 une modification des notes explicatives (modifiée à nouveau le 23 octobre 2002. Les notes explicatives, bien que sans valeur réglementaire, constituent « un élément d’interprétation important » de la nomenclature) qui assimile aux caméscopes possédant la double fonction DV-IN/OUT ceux sur lesquels « l’entrée vidéo est obstruée par une plaque ou par tout autre moyen, ou pour lesquels l’interface vidéo peut être activée postérieurement à l’aide d’un logiciel ».

La plupart des industriels, sans renoncer à commercialiser les deux types de caméscopes,ont alors modifié leurs fabrications pour que les différences deviennent irréversibles.Mais il subsiste la question de la période antérieure à la modification des notes explicatives, ainsi que la période intermédiaire entre cette modification, et l’adaptation des procédés industriels. Plusieurs pays (Grande-Bretagne, Allemagne) ont considéré que la nouvelle version des notes explicatives entraînait« un changement dans la pratique » qui interdisait de lui donner un effet rétroactif.Mais d’autres pays (la France) ont appliqué cette nouvelle interprétation de façon rétroactive. Dans tous les cas, l’importance des volumes a conduit à des litiges importants, voire très importants en termes de dette douanière réclamée aux importateurs.Les questions posées à la cour par le Finanzgericht Düsseldorf revenaient à s’interroger sur le bien fondé de la nouvelle version des notes explicatives, en tant que prenant en compte pour le classement tarifaire la possibilité d’une modification des caractéristiques de la marchandise postérieure au dédouanement ; la juridiction semblait douter de ce bien-fondé, puisqu’elle soulignait qu’en l’espèce, le fabricant et le vendeur ne signalaient pas cette possibilité et ne la cautionnaient pas.

Cela aurait pu être pour la CJCE l’occasion de prononcer un arrêt de principe en choisissant une des deux positions extrêmes possibles : – soit le classement tarifaire d’un produit ne doit pas prendre en compte les caractéristiques du ou des logiciels qu’ils incorporent, et seul le matériel lui-même doit être analysé ; peu importe alors que le logiciel puisse être modifié ultérieurement puisqu’en tout état de cause il n’a pas à être pris en considération.

– soit si le logiciel doit être pris en compte, au moins lorsqu’il est incorporé au matériel ; comme les caractéristiques et propriétés des marchandises « doivent pouvoir être vérifiées au moment du dédouanement (CJCE, 16 déc. 1976, aff. C-38/76, Industriemetall Luma GmbH : Rec. CJCE 1976, p. 2027. – CJCE, 8 févr. 1990, aff. C-233/88, van de Kolk : Rec. CJCE 1990, I, p. 265, pt 12. – CJCE, 12 déc. 1996, aff. C-38/95, Foods Import : Rec. CJCE 1996, I, p. 6543, pt 17. – CJCE, 13 juill. 2006, aff. C-14/05,AnagramInternational : Rec. CJCE 2006, I, p. 6763, pt 26) » ou encore « tels qu’ils sont présentés au moment du dédouanement » (CJCE, 17 mars 1983, aff. C-175/82, Hans Dinter GmbH : Rec. CJCE 1983, p. 969. – CJCE, 27 mai 1993, aff. C-33/92, Gausepohl-Fleisch : Rec. CJCE 1993, I, p. 3047, pt 9), la possibilité de modifications du logiciel postérieures au dédouanement ne doit pas être prise en compte.

La Cour a préféré une solution intermédiaire, réglant le seul cas d’espèce.Sur le principe,pour ne pas violer directement la règle selon laquelle seules les caractéristiques vérifiables au moment du dédouanement doivent être retenues,elle a exigé, pour que la fonction DV-IN soit prise en compte « que les caméscopes disposent avant l’activation de la fonctionDV-IN d’une structure contenant l’essentiel des caractéristiques de ladite fonction et que les éléments lui permettant d’être active ne fasse pas l’objet d’un apport de matériel extérieur ».

Mais pour assurer l’application pratique de cette condition, elle a énoncé des critères qui, s’ils ne sont pas des violations directes des règles existantes, en deviennent au moins des exceptions. En premier lieu, la Cour dans l’énoncé du cadre juridique s’est référée à la règle générale pour l’interprétation 2 a) qui vise les articles « même incomplets ou non finis ». Elle semble donc avoir considéré les caméscopes comportant la seule fonction DV-OUT comme des caméscopes DV-IN/OUT « non finis ». C’est bien la première fois, à notre connaissance, qu’on considère un produit comme non fini alors qu’il est importé dans l’état exact dans lequel il sera proposé au consommateur,prêt à être utilisé, et avec une notice et des caractéristiques annoncées ne faisant aucunement état de la possibilité d’une transformation.

En second lieu, la Cour, tout en reproduisant le motif traditionnel selon lequel le classement doit reposer sur « les caractéristiques et propriétés objectives des produits » a exigé que l’éventuelle transformation « puisse être aisément effectuée par un utilisateur ne disposant pas de compétences particulières ». Or, rien n’est plus évidemment subjectif que l’appréciation de ce qui est ou non « aisé », ou ce que sont, en ce domaine des « compétences particulières ». Nous sommes, rappelons-le, dans le cas d’une transformation qui nécessite en général l’utilisation d’un ordinateur. Ainsi, ce qui sera « aisé » pour un utilisateur habituel d’ordinateur sera proprement insurmontable pour quelqu’un qui n’en a pas l’habitude. Faut-il considérer qu’à notre époque,savoir utiliserunordinateur représente ou non une « compétence particulière » ? La réponse à cette question sera éminemment différente selon le milieu social et professionnel, ou, encore plus, selon la génération... Rien de moins « objectif »...

Enfin, la Cour exige que « une fois l’activation réalisée, le caméscope ait un fonctionnement analogue à celui d’un autre caméscope dont la fonction d’enregistrement (...) est active au moment du dédouanement ». Ainsi, le classement d’un produit va dépendre de l’existence et du dédouanement d’autres produits ayant des caractéristiques différentes. Là encore, c’est un critère totalement nouveau, et très éloigné du principe selon lequel seules les caractéristiques objectives du produit aumoment du dédouanement doivent être prises en compte.

La solution était sans doute nécessaire : il est clair que la cour a considéré comme fondé le désir de la Commission européenne de fixer des limites raisonnables pour empêcher qu’un jour des industriels ne détournent les vraies caractéristiques de leurs produits, par de simples astuces logicielles que tout un chacun pourrait modifier, à seule fin d’éviter des droits de douane.

Les progrès de la technique sont constants, et la jurisprudence se doit d’évoluer pour s’y adapter. Notre gêne face à cette décision est d’une autre nature, et relève surtout de la protection de la sécurité juridique : en présentant comme allant de soit, et non comme apportant une réelle innovation, des critères qui étaient parfaitement imprévisibles pour un juriste bien au courant de la jurisprudence de la Cour, celle-ci laisse ouverte la question de l’application dans le temps de cette nouvelle interprétation.

Si l’innovation juridique ne doit porter que sur le futur, elle est parfaitement acceptable. Si elle devait donner lieu à une application rétroactive, elle poserait un réel problème.

Fabrice Goguel,
avocat au Barreau de Paris,
Goguel Monestier Vallette Viallard & Associés

Fabien Foucault,
avocat au Barreau de Paris,
Goguel Monestier Vallette Viallard & Associés